20 Octobre 2014

ATV-5 : une armure à toute épreuve !

Croyez-le ou non, cette réplique du bouclier de l'ATV-5 a fait son job. Le projectile lancé à la vitesse de 7 km/s a transpercé le mur de Kevlar. La couche interne est-elle intacte ? Réponse en images.
Crédits : ESA–S. Laagland.

Depuis le 12 août dernier et pour une durée de 6 mois, le cargo européen, l'ATV-5 « Georges Lemaître », est devenu un module à part entière de la Station spatiale internationale (ISS). Mais que se passerait il s'il était percuté par un débris ? Pour en avoir le cœur net, des projectiles en aluminium de 7,5 mm de diamètre ont été lancés sur une réplique du bouclier du vaisseau par le canon à gaz de l'Institut Ernst Mach Institute (EMI) à Fribourg en Allemagne en juin dernier. La bille a atteint la vitesse de 7 km/s, proche de celle des débris dans l'espace (8 km/s).

Conclusions ? Les 1eres couches du bouclier de l'ATV-5 sont complètement percées (voir photo ci-dessus et photo principale) mais c'était attendu ! Elles sont faites pour cela : se sacrifier et faire éclater le projectile en de multiples fragments et vapeurs. Elles ont ainsi atténué le choc pour sur la couche la plus interne qui ne présente au final que de multiples petites égratignures (voir photo ci-dessous). Imaginé dans les années 40 , ce bouclier multi-couches appelé Whipple (du nom de son inventeur) donne une plus grande protection qu'une seule couche d'aluminium d'épaisseur comparable. « L’adjonction d’un matelas absorbant entre les deux plaques d’aluminium permet de renforcer l’effet de protection. On parle alors de « reinforced Whipple shield » précise Christian Durin, expert « matériaux et procédés » au CNES de Toulouse. Le tout pour une masse bien plus légère, un argument de « poids » lors du calcul du coût du lancement !

Mais avec ses 7,5 mm de diamètre, ce projectile ne représente que l'extrémité supérieure de la taille des débris auquel le bouclier pourrait résister. Que se passerait-il pour des débris plus gros ? « Bonne nouvelle : tous les débris de taille supérieure à 10 cm sont catalogués et suivis par des radars terrestres, on peut demander aux vaisseaux de manœuvrer pour les éviter, ce qui est fréquemment le cas » indique Christophe Bonnal, expert des débris spatiaux au CNES. « Quant aux débris de taille inférieure au cm, ils sont arrêtés par les blindages comme le prouve ce test. Le problème pourrait venir des débris dont la taille est comprise entre 1 et 10 cm. Pour l'ISS, on estime qu'il pourrait y avoir un impact critique avec un tel objet tous les 25 ans. Mais ce risque est surtout pour les panneaux solaires, de grande surface. Le risque d'un impact sur le corps même de la station auquel est rattaché l'ATV-5 actuellement est d'un tous les 75 à 100 ans. »

Image principale : le projectile en aluminium est venu par l'arrière et a transpercé une 1ere plaque en aluminium puis la couche intermédiaire du bouclier constituée d'une armure de tissu Kevlar® (un matériau plus fort que l'acier et utilisé pour les gilets pare-balles) et de Nextel® (un tissu céramique).

Focus : des tests d'impacts de débris sont aussi réalisés par le CNES notamment au laboratoire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Gramat dans le Lot qui possède l'un des meilleurs canons à gaz dans le monde. Il permet de projeter des projectiles de taille centimétrique à la vitesse de 7 km/s dans une enceinte sous vide. « Nous nous intéressons particulièrement aux réservoirs des satellites qui sont des parties sensibles. Nous étudions aussi le vieillissement des satellites face aux impacts répétés de petits débris notamment sur les panneaux solaires » précise Christian Durin.

Le saviez-vous ? Basée à Toulouse, l'équipe en charge de la navigation et du contrôle de l'ATV-5 (ATV-CC) est toujours prête à réagir dans le cas de risque de collision d'un débris de taille supérieur à 10 cm sur l'ISS. L'ATV-5 est en effet capable d'allumer ses moteurs pour déplacer l'ISS. Jusqu'à l'ATV-4, le temps nécessaire pour mettre en place cette manœuvre d'évitement était de 24 h. Pour l'ATV-5 les ingénieurs ATV-CC ont réduit ce temps de réaction à 6h.

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