21 Mars 2014

Photo mystère : ça gaze... Mais pour qui ?

Quel gaz sort donc de ce tuyau jaune recouvert de givre ? Un indice : il est essentiel au fonctionnement d'un instrument d'astronomie abrité dans l'une des 6 salles blanches du Centre spatial de Toulouse.
Crédits : CNES/F. Maligne, 2014.

Toujours aucune idée ? Surtout n'approchez pas vos doigts : ils se figeraient de froid ! Car ce tuyau jaune expulse les vapeurs d'hélium liquide à -269°C utilisé pour refroidir le photomètre de l'instrument PILOT, un projet d'astronomie sous ballon stratosphérique prévu pour s'envoler en 2015 du Canada. « Au contact de l'air chaud, l'hélium liquide se vaporise immédiatement et est éjecté tel le gaz d'un chalumeau » explique Olivier Simonella, ingénieur au CNES et responsable « Assemblage intégration tests de l'instrument. »

Mais pourquoi PILOT a-t-il besoin d'autant de froid ? Parce que son objectif est de mesurer la polarisation de la lumière émise par les poussières interstellaires aux longueurs d'ondes comprises entre 200 et 500 micromètres. « A ces longueurs d'ondes, tout rayonne, y compris l'instrument lui-même. Le photomètre doit être donc refroidi à de très basses températures pour éviter que l'émission propre de l'instrument ne vienne cacher les signaux astrophysiques à mesurer » explique Jean-Philippe Bernard, chercheur à l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse (IRAP) et responsable scientifique de PILOT. Les 1024 détecteurs du photomètre sont notamment refroidis jusqu'à la température de - 272,85°C (0,3 Kelvin) soit 0,3 degré seulement au-dessus du zéro absolu ! « Mais même dans ces conditions, seulement un photon sur 10 000 vient du ciel. Les 9 999 autres viennent de l'instrument, essentiellement de la partie non refroidie, comme le miroir primaire et la fenêtre d'entrée du cryostat » précise l'astrophysicien.

Pour Olivier Simonella, tout ce froid se révèle être un casse-tête organisationnel. « En début de campagne de tests, il faut compter une semaine pour refroidir l'instrument depuis la température ambiante jusqu'à la température de 0,3 K. Il faut ensuite prévoir, chaque jour, 5h30 pour remplir le réservoir de 20 L d'hélium 4, abaisser la température du bain par pompage des vapeurs d’hélium et mettre en route le réfrigérateur interne à hélium 3. L'ensemble ne permet en effet de délivrer du froid à 0,3 K que durant 24h » souligne-t-il. Pas facile de gérer les plannings des différentes équipes sous ces contraintes. Alors pendant un mois, du 20 janvier au 20 février 2014, la vingtaine de personnes du CNES, de l'IRAP et de l'Institut d'astrophysique spatiale d'Orsay (IAS) se sont relayées 20h/24 pour réaliser la seconde campagne de tests. Week-end compris ! Pas question de perdre une minute... de froid.

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