13 Novembre 2019

Exoplanètes : à la recherche des mondes extraterrestres

Nous découvrons sans cesse de nouvelles exoplanètes, gravitant autour d’étoiles situées au-delà de notre système solaire. Ces systèmes planétaires sont très variés, et souvent très différents du nôtre. Certains pourraient-ils porter des formes de vies ? Les missions spatiales cherchent en tout cas à mieux les connaître. Lancé cette fin 2019, le télescope spatial européen CHEOPS apportera de nouvelles données sur la composition d’une sélection de petites exoplanètes et leurs mécanismes de formation.

D’AUTRES MONDES POSSIBLES

Il existe des planètes en dehors de notre système solaire. Une évidence ? Aujourd’hui oui, mais jusqu’en 1995, cette hypothèse était loin d’être démontrée. Depuis, des milliers d’exoplanètes ont été découvertes. Elles ont bouleversé nos théories sur la formation et l’évolution des systèmes planétaires.

Vous avez dit exoplanètes ?

Notre Terre est l’une des huit planètes qui tournent autour du Soleil. Avec l’ensemble des astres (planètes naines, astéroïdes, comètes…), qui gravitent comme elle autour de notre étoile, elles forment le système solaire.
Nous avons longtemps cru que ce système était unique. Mais non ! Il existe en dehors du système solaire, une multitude d’autres étoiles ayant des planètes qui gravitent autour : des exoplanètes (Exo signifie en grec « hors de »).
Après les toutes premières détections par des télescopes terrestres dans les années 1990, ce sont les télescopes spatiaux comme la mission franco-europénne CoRoT (2006-2014), premier télescope spatial dédié à la détection d’exoplanètes, puis celle de l‘américain Kepler (2009-2018) qui ont détecté des dizaines, puis des milliers d’exoplanètes. En octobre 2019, on en dénombre près de 4 200, répertoriées dans un catalogue.

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Depuis 1995, les exoplanètes sont répertoriées dans un catalogue. Crédits : ESA

Une diversité insoupçonnée

La découverte et l’observation des exoplanètes ont révélé une grande diversité de mondes planétaires ! Ces exoplanètes peuvent être composées de glace, de gaz, de roche, d’eau… Certaines planètes orbitent autour d’étoiles doubles : elles ont deux soleils, comme la planète Tatooine de Star Wars ! Des planètes chaudes, avec une surface à plus de 1000°C, font le tour de leur étoile en quelques jours, voire moins d’un jour comme CoRoT-7b (contre 365 jours pour la Terre). Certaines sont très grandes et massives, d’autres petites et de masse proche de celle de la Terre. Il existe aussi des systèmes planétaires très compacts : plusieurs planètes orbitent en formation très resserrée, sur des orbites courtes, autour de leur étoile.

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En 2011, le télescope spatial Kepler (NASA) a observé Kepler-16b (photo), la première exoplanète orbitant autour de deux étoiles. Crédits : NASA/JPL

Une autre vision de notre galaxie

Avant la découverte d’exoplanètes, nos modèles de formation des planètes se basaient sur l’organisation de notre système solaire : des planètes massives et gazeuses éloignées du Soleil (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune), les moins massives, rocheuses, plus proches de notre étoile (Terre, Venus, Mercure et Mars). Or, les premières exoplanètes détectées étaient très massives et… proches de leur étoile. Tout l’inverse de ce que l’on connaissait ! 
Ensuite, des géantes massives ont aussi été observées à des distances très éloignées de leur étoile. Encore un nouveau modèle : on pensait qu’une planète se formait uniquement à une distance minimale de son étoile, par accrétion de gaz sur un noyau rocheux, c’est-à-dire par l’agglomération de ces matières. Ces découvertes pourraient indiquer que des planètes migrent pour se rapprocher ou s’éloigner de leur étoile. Ou qu’il existe d’autres scénarios de formation.

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Autour de l’étoile Kepler 11, six planètes orbitent quasiment sur le même plan. Crédits : NASA/JPL

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Crédits : ESO/M. Kornmesser/Nick Risinger (skysurvey.org)

Une bizarrerie qui vaut un prix Nobel

C’était il y a 24 ans seulement que la première exoplanète, Pegase 51b, a été découverte par deux astronomes suisses : Michel Mayor et Didier Queloz. « Quelque chose ne tournait pas rond dans les informations que je recueillais en observant l’étoile Pegase 51A », témoigne Didier Queloz. L’étoile oscillait de curieuse façon, ce qui laissait penser que son mouvement était perturbé par un autre corps. Une planète ? Les deux physiciens l’ont confirmé en analysant une série de mesures effectuées depuis l'Observatoire de Haute-Provence. Ils reçu le prix Nobel de physique 2019 pour cette découverte qui a bouleversé notre perception des systèmes planétaires.

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Crédits : NASA-JPL/Caltech

Bon voyage !

Se promener à la surface d’exoplanètes et découvrir une variété de mondes incroyables, c’est possible ! La NASA t’invite au voyage sur son site d’exploration virtuelle. Bien sur, il s’agit de représentations imaginaires, à partir des données qui nous sont connues. Choisi ta destination et clique sur « Explore the surface ». Bon voyage !

CACHE-CACHE INTERSTELLAIRE

La détection des exoplanètes est longtemps restée impossible faute d’instruments capables de découvrir ces astres très lointains qui se cachent dans le halo lumineux de leur étoile. Mais les astronomes ont imaginé des techniques d’observation indirectes et inventé de nouveaux instruments. Ils les perfectionnent sans cesse et les détections se font plus nombreuses et plus précises.

Cachées dans la lumière

Pas facile d’observer les exoplanètes, souvent très lointaines. Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche de nous et autour de laquelle on a détecté 2 exoplanètes possibles, se situe ainsi à environ 40.000 milliards de kilomètres (4,2 années lumières) de la Terre.
La lumière très puissante de l’étoile autour de laquelle on cherche des planètes nous éblouit si on la regarde directement. Et la lumière réfléchie ou émise par ces planètes est trop faible pour être distinguée par imagerie dans le halo de lumière de l’étoile. C’est comme tenter de distinguer depuis Paris une luciole qui volerait dans la lumière d’un phare du port de Marseille !
Pour observer directement les exoplanètes, il faut utiliser des méthodes qui atténuent la lumière autour de l’étoile de façon à faire apparaître les astres qui gravitent autour. Mais les observations directes restent compliquées et s’appliquent seulement sur des planètes géantes très éloignées de leur étoile.

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Beta Pictoris b, située à 975 millions de kilomètres de son étoile Beta Pictoris, est ici observée depuis le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral au Chili. La technique appelée coronographie permet d’atténuer la lumière de l’étoile. Crédits : ESO

Des télescopes rusés

Pour déceler la présence d’une planète autour d’une étoile, les astronomes utilisent le plus souvent des méthodes indirectes. Elles détectent des variations dans les signaux lumineux émis par les étoiles. Des anomalies peuvent trahir la présence d’une planète.
Avec la méthode de vitesse radiale, on observe le mouvement d’une étoile en étudiant sa lumière. Une étoile et sa planète sont liées par la gravitation (la même force qui fait que nous restons à la surface de notre planète). En conséquence, lorsqu’une planète parcourt son orbite, l’étoile se déplace aussi, en direction opposée. Un observateur peut donc voir l’étoile se rapprocher et s’éloigner de lui. Ce mouvement provoque une modification de la composition de sa lumière qui nous permet de détecter et d’observer ce déplacement. À partir de ces variations de vitesse, les astronomes calculent le temps que met la planète à faire le tour de son étoile, donc sa distance à l’étoile, ainsi que sa masse.
La méthode de transit se base sur la mesure de la variation de luminosité des étoiles. Lorsqu’une planète passe devant son étoile, elle masque une partie de sa lumière et donc, la lumière que nous mesurons faiblit. La fréquence de ces passages, comme leur durée, nous fournissent des informations sur la durée de l’orbite de la planète ainsi que sur le diamètre de la planète.
Les astronomes ont mis au point d’autres méthodes de détection mais ces deux là sont les plus utilisées.

Plus près des étoiles

Chaque type d’observation apporte des informations différentes. Pour caractériser les exoplanètes, c’est-à-dire déterminer leur composition, leur taille, leur masse, leur période orbitale, leur température, il faut combiner les différents types d’observations. « Kepler a bouleversé nos connaissances », rappelle Magali Deleuil, astrophysicienne au laboratoire d’Astrophysique de Marseille, responsable scientifique dans les missions Corot et CHEOPS. « Mais jusqu’alors, nous n’avions pas les capacités techniques pour étudier précisément les petites planètes. En combinant les données des différentes techniques d’observation, nous allons mieux comprendre comment elles se sont formées et comment elles sont arrivées là. »
CHEOPS, le télescope européen qui doit être lancé le 17 décembre 2019, mesurera avec précision le diamètre d’exoplanètes de petite taille, comprise entre celle de la Terre et celle de Neptune, et dont la masse est déjà connue. En combinant masse et taille, les astronomes détermineront la densité des planètes observées. Ils en déduiront leur composition possible. Nous saurons si ces petites planètes sont constituées principalement de métaux, si elles sont rocheuses comme la Terre, gazeuses, ou si elles abritent d’énormes océans…

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Le télescope spatial CHEOPS va observer des petites planètes de courte période orbitale (quelques jours pour faire le tour de leur étoile). C’est l’une des premières missions qui vise à mieux déterminer leur composition. Crédits : ESA/S.Corvaja


NOMS de code

Les exoplanètes sont nommées d’après leur étoile : beta Pic b, par exemple, est la première planète découverte autour de l’étoile Beta Pictoris. La seconde est beta Pic c. L’étoile, elle, est désignée par son nom ou par son nom + la lettre A.
L’Union astronomique internationale (UAI) lance aussi des concours pour nommer les exoplanètes. Prochains résultats, le 15 décembre 2019.

EXOPLANETES = VIE EXTRATERRESTRE ?

La découverte de milliers de planètes extrasolaires a relancé l’hypothèse de la possibilité d’une forme de vie extraterrestre. De quoi encourager de nouvelles missions, à la recherche de planètes semblables à la nôtre, avec des conditions potentiellement favorables à la vie.

À la recherche d’une Terre jumelle ?

Deux objectifs orientent les futures missions : « D’une part, on recherche des systèmes planétaires analogues au nôtre [présentant certaines caractéristiques semblables], pour comprendre notre système solaire », résume Magali Deleuil, astrophysicienne au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. « Est-ce un modèle unique ? Pourquoi les planètes y sont-elles réparties ainsi ? ». D’autre part, on cherche des planètes dites habitables, c’est-à-dire qui possèdent un environnement en surface potentiellement compatible avec une forme de vie. Ces planètes devraient posséder une atmosphère et, idéalement, une température de surface comprise entre 0°C et 150 °C permettant la présence d’étendues stables d’eau liquide, en surface ou internes.

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Découverte en 2011, Kepler 22 b était la première exoplanète située dans la zone habitable de son étoile, semblable à notre Soleil, c’est-à-dire à une distance permettant la présence d’eau liquide. Cette petite planète, (2,5 fois le rayon de la Terre) représentée ici comme semblable à la Terre, n’a toutefois pas encore révélé sa composition : rocheuse, gazeuse ou liquide ? Crédits : NASA/JPL

Ruée vers la vie

D’ici 2030, pas moins de cinq missions spatiales entièrement consacrées à l’étude des exoplanètes vont se succéder. Elles se focaliseront sur la recherche et l’analyse de petites planètes rocheuses, afin de comprendre leur nature et leurs mécanismes de formation, puis sur celles potentiellement situées dans la zone habitable de leur étoile.
Le télescope américain TESS (NASA), lancé en 2018, et l’Européen CHEOPS, prévu fin 2019, sont ainsi chargés de repérer et de caractériser des petites planètes à courte période orbitale (quelques jours).
Après eux, deux autres télescopes européens seront lancés : PLATO en 2026, puis ARIEL d’ici 2028. PLATO poursuivra la détection et la caractérisation d’exoplanètes, et notamment des planètes similaires à notre Terre, situées autour d’étoiles brillantes, donc proches de nous. Pour cela, il étudiera leur transit mais aussi leur sismologie : leurs vibrations et mouvements internes.
ARIEL analysera l’atmosphère d’un large panel de géantes proches de leur étoile pour déterminer leur composition et leur structure et, ainsi, mieux comprendre la formation et l’évolution des systèmes planétaire. Entre temps, le James Webb Space Telescope (JWST), un super télescope beaucoup plus puissant que Hubble, commencera l’analyse de la composition atmosphérique de certaines exoplanètes.

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Les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer (NASA) ont détecté du dioxyde de carbone (CO2), du méthane (CH4) et de la vapeur d’eau (H2O) dans l’atmosphère de HD 209458b. Cette géante gazeuse, plus grosse que Jupiter, n’est toutefois pas dans la zone habitable de son étoile. Crédits : NASA/JPL

Comment détecter la vie ?

Si la vie existe sur d’autres planètes, reste à savoir quelle forme elle peut prendre et si l’on est capable de la détecter. « Seule une forme de vie développée en surface ou dans un océan, ayant profondément modifié l’atmosphère de la planète avec des composés particuliers pourra être détectée », estime Michel Viso, exobiologiste au CNES
Les missions futures vont analyser l’atmosphère des exoplanètes à la recherche de traces d’éléments liés à la chimie des organismes vivants, comme les molécules d’azote ou de dioxygène, ou des composés du carbone comme le méthane. « Or, sur Terre, il existe des organismes vivants qui ne produisent pas d’oxygène », rappelle Michel Viso. A contrario, de l’oxygène peut aussi être généré par des réactions physiques indépendantes de tout être vivant. Par exemple, des rayons ultraviolets de certaines étoiles peuvent dissocier les molécules d’eau (H20) présentes dans des atmosphères planétaires, chasser les molécules d’hydrogène, très légères, et produire ainsi un excès d’oxygène (O2). On peut donc repérer de l’O2 qui n’est pas issu d’organismes vivants. Là encore, il faut donc combiner les observations. Mais, prévient l’exobiologiste, « nous cherchons des biosignatures fondées sur ce que nous connaissons du vivant sur Terre. » Et si, là aussi, il existait d’autres modèles ?

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Vue d’artiste de la planète Proxima b. Cette planète est un peu plus massive que la Terre et orbite dans la zone habitable de son étoile, là où la température permettrait la présence d’eau liquide. Crédits : ESO/M. Kommesser


Une union européenne pour l’exobiologie

Un institut européen d'astrobiologie a été créé en mai 2019 pour fédérer les recherches en exobiologie (appelée astrobiologie chez les anglo-saxon). Il réunit les scientifiques et les institutions travaillant dans ce domaine pour faciliter le partage des connaissances et mettre en place des projets communs cherchant à mieux comprendre l’évolution des planètes, les conditions d’émergence de la vie, dans des milieux extraterrestres, mais aussi sur Terre.