Le soleil, à l'origine de tout
Une grosse boule capricieuse
Quand on dessine le Soleil, on lui colle souvent un large sourire. Le Soleil est primordial pour nous terriens puisqu’il a permis la vie, et la maintient depuis. Mais le Soleil est avant tout une boule d’énergie phénoménale, composée d’hydrogène et d’hélium, au cœur de laquelle les réactions nucléaires s’enchainent. Il est en constante activité et nous bombarde chaque seconde de fines particules et de rayonnements, plus ou moins dangereux, dont la lumière qui nous éclaire chaque jour.

Des rayons très variés
Le Soleil émet toutes sortes de rayonnements : lumière visible (les fameux rayons du Soleil !) et invisible comme les ultra-violets et les infrarouges, rayons gamma, rayons X, ondes radio. Il diffuse aussi un flux continu de minuscules particules de matière, chargées électriquement (protons, électrons) qu’on appelle le vent solaire.
Notre atmosphère nous protège en filtrant ces rayonnements, très dangereux pour certains. Seuls passent la lumière, les UV (responsables des coups de soleil !) et les ondes radio.
Quand gronde la tempête
Parfois, le Soleil se met en colère et déclenche de véritables tempêtes. Il libère soudainement une énergie folle, dans une zone en particulier, pendant plusieurs minutes voire dizaines de minutes.
Ce sont d’abord des rayonnements, comme la lumière, qui se déplacent en ligne droite : vers la Terre si l’éruption se produit « en face » de notre planète ou ailleurs dans l’espace.
Cette première vague est suivie d’une seconde, qu’on appelle éjection de masse coronale (EMC). C’est une sorte de gigantesque nuage formé de particules de matière qui se déplace le long du champ magnétique qui règne dans l’espace entre les planètes.
L’une des activités des météorologues de l’espace est de prévoir le « voyage » de ces nuages, selon leur vitesse, la rotation du Soleil… pour savoir s’ils vont atteindre la Terre. Ou pas. Une tempête solaire est d'abord détectée par le rayonnement intense qu'elle émet quand elle se déclenche. Le nuage de particules met ensuite plusieurs heures voire plusieurs jours pour atteindre la Terre.

Des conséquences sur l'activité humaine
Tempêtes, orages et black-out
Le nuage de particules éjectées lors des éruptions solaires peut franchir le champ magnétique terrestre, en s’engouffrant par les pôles magnétiques sud et nord. On parle alors d’orage magnétique. Avez-vous déjà vu une aurore polaire ? Et bien c’est cela : l’interaction entre le champ magnétique de la Terre et ces particules chargées électriquement.
Le nuage se répand ensuite au-dessus de la planète, en se concentrant dans une zone de l’atmosphère appelée ionosphère (entre 80 et 500 km d’altitude). Conséquence : les signaux radio venant des satellites sont bloqués. Ils ne peuvent plus rejoindre les antennes au sol. Du coup, plus de positionnement, ni de télécommunication par satellites. Et cela peut durer quelques heures, mais de manière localisée.
« Ces tempêtes peuvent aussi provoquer des dégâts sur le réseau électrique, poursuit Sean Bruinsma chef de service de géodésie spatiale au CNES. Surtensions, transformateurs qui « grillent... Cela s'est déjà produit, notamment au Québec en 1989. La région a été plongée dans le noir pendant 9 heures. »

La tempête du siècle
La plus grosse tempête solaire connue a eu lieu en 1859. C’est l’« évènement de Carrington », du nom de l’astronome britannique qui a observé en premier une éruption solaire. On a vu des aurores polaires jusque dans la Mer des Caraïbes ou en Inde. Elle a causé de gros dégâts sur les réseaux de télécommunications, les télégraphes à l’époque. Plusieurs télégraphistes ont été électrocutés.
Attentions aux rayons !
Les rayonnements solaires, même quand il ne s’agit pas de tempête, peuvent être dangereux pour les astronautes, qui, dans l’espace, ne sont pas protégés par l’atmosphère. C’est notamment pourquoi ils portent des combinaisons spéciales. Les personnes qui travaillent dans les avions également (pilotes, hôtesses…). La météorologie spatiale permet ainsi aux compagnies aériennes de calculer les niveaux auxquels leurs employés sont soumis, pour leur éviter de dépasser une certaine limite.

Ne pas perdre de vue les débris spatiaux
Le rayonnement solaire varie constamment, d’une heure ou d’une décennie à l’autre. Ces variations entrainent des changements dans notre atmosphère. Plus de rayons, c’est plus de chaleur pour l’atmosphère, qui, du coup, se densifie (c'est physique). Cela modifie la trajectoire des satellites car ils subissent plus de frottements.
Ce phénomène concerne aussi les milliers de débris qui orbitent au-dessus de notre tête. Ceux-ci sont étroitement surveillés par les agences spatiales. Elles regardent où ils se trouvent et où ils vont, pour éviter les collisions avec les satellites actifs. Le changement de leur trajectoire, dû aux variations souvent imprévisibles du rayonnement solaire, pose donc problème. On peut les perdre de vue et mettre des jours, voire des semaines, pour les retrouver.

Prévoir pour anticiper
Au service des Hommes
La météorologie spatiale n'est pas une discipline à proprement parler. Il n'existe pas de cours ou de diplômes spécifiques. Elle s'appuie sur différentes sciences comme la physique du Soleil ou l’aéronomie qui est l’étude de la physique et de la chimie de notre atmosphère. Le but : surveiller le Soleil et prévoir ses sautes d’humeur pour mieux lutter contre leurs effets, parfois dévastateurs. Imaginez, un monde coupé d’électricité, de satellites de positionnement (Galileo, GPS…) ou de communications satellitaires ! Les secours, les transports aériens et maritimes seraient perturbés. Ainsi que les banques. Quand vous utilisez votre carte de crédit, c’est souvent une transaction par satellite !
La météo de l’espace s’avère donc essentielle pour protéger les activités humaines sur Terre, et dans l’espace (comme les futurs voyages vers Mars).

Un développement mondial encore timide
La météo de l'espace se développe depuis les années 1990, d’abord aux Etats-Unis, soucieux de protéger leurs infrastructures de défense. En Europe, l'ESA (agence spatiale européenne) a ouvert en 2013 un Centre de coordination de météorologie de l’espace, en Belgique. Il fournit des données et une expertise à tous ceux qui peuvent être affectés par l’activité solaire : banques, assurances, armées… Par exemple, les compagnies aériennes s’appuient sur des cartes indiquant les quantités de radiation pour vérifier que leurs employés ne sont pas trop exposés. Ce centre s’appuie sur 5 sites européens, chacun spécialisé dans un domaine particulier (conditions géomagnétiques, radiations spatiales…)
Aujourd’hui toutefois, on ne sait pas encore prévoir les éruptions solaires. On peut les observer depuis la Terre et calculer si la tempête va ou non toucher la Terre. Si c’est le cas, les premières particules du nuage de plasma peuvent nous atteindre en un temps record de 16 heures. De plus, des satellites en orbite entre la Terre et le Soleil permettent de confirmer qu'une éjection de masse coronale va impacter notre planète 30 minutes plus tard.
OFRAME, une initiative française
En France, plusieurs scientifiques et ingénieurs ont créé en 2018 l’OFRAME, l’Organisation Française de Recherche Applicative en Météorologie de l’Espace. Ils veulent coordonner les activités de recherche menées dans ce domaine, pour fournir des données et des services aux structures qui sont concernées par la météo de l’espace. Qu’elles soient publiques, comme l’Etat ou privées comme de grandes entreprises. Cette initiative est soutenue par de grands centres de recherche, le CNRS, l'ONERA, le CEA, mais également le CNES.
Le site de l'OFRAME : meteo-espace.fr
L'aide précieuse des satellites
Pour étudier le Soleil et son activité, les scientifiques utilisent les satellites et sondes envoyés par les agences spatiales. La sonde américaine Parker Solar Probe, lancée en 2018, est notamment la première à plonger aux sources des vents et orages solaires dans l'atmosphère de notre étoile. Elle doit s’approcher de sa surface, à moins de 6 millions de km, en 2024. D’autres satellites ont aussi fourni des informations sur notre étoile : SOHO (ESA/NASA), SDO (NASA) ou encore Picard (CNES) , qui a notamment réalisé entre 2010 et 2014 plus d’un million d’images du Soleil. En 2020, l’ESA et le CNES doivent lancer Solar Orbiter. Ce satellite étudiera l’activité solaire, les vents notamment. Ainsi, plus nous comprendrons le Soleil dans son ensemble, et plus nous serons en mesure de prévoir son activité.

Pour aller plus loin
L’activité du Soleil en temps réel : https://www.spaceweatherlive.com/fr/activite-solaire
Une éjection de masse coronale filmée par plusieurs satellites de la NASA (SDO, Stereo, Soho) : https://www.youtube.com/watch?time_continue=114&v=GrnGi-q6iWc