30 Juillet 2020

A la recherche de la vie et de ses origines

Pas moins de 3 missions ont été envoyées vers Mars cet été 2020, avec pour objectif notamment de rechercher des traces de vie. La quête d’une vie extraterrestre fait aujourd’hui partie des programmes des agences spatiales, alors que se développe l’exobiologie. Cette science cherche entre autres à répondre à 2 grandes questions : comment la vie a émergé sur Terre ? Existe-t-il une forme de vie extraterrestre ailleurs ?

Exobiologie : une science, plusieurs disciplines

Une communauté les pieds sur Terre

L’exobiologie cherche à comprendre  l’origine de la vie sur Terre, et notamment la contribution éventuelle de notre environnement spatial à son émergence. Cette science cherche à décrire les mécanismes et les processus qui conduisent à l'émergence de la vie, puis à comprendre son évolution. Il ne s’agit pas d’une discipline en soi ; le diplôme d’exobiologiste n’existe pas (encore).

Cette recherche s’appuie sur des matières très variées : biologie, chimie et biochimie, paléontologie, géologie, climatologie, planétologie voire éthique et philosophie… Et comme l’explique Michel Viso, responsable de l’exobiologie au CNES : « on ne peut pas faire de l’exobiologie tout seul dans son coin ! » C’est donc une véritable communauté d’experts qui s’est formée pour partager ses connaissances. Par extension, le développement de ces connaissances pour la terre, sert à imaginer si une forme de vie aurait pu apparaître ailleurs dans l'univers.


Exo ou astro ?

On emploie parfois l’un pour parler de l’autre, mais les 2 mots sont un peu différents. Astrobiologie, plutôt utilisé par les anglo-saxons, ajoute une notion en plus, celle de la place de l’Homme dans l'univers et le futur.

Née avec Apollo

L’exobiologie s'est surtout déveopppée dans les années 1960, avec l'exploration spatiale. Plus précisément dans le cadre du programme américain Apollo, et le retour sur Terre d’échantillons lunaires. Ne risquait-on pas de rapporter des microbes extraterrestres ? Et puisque l’on était capable d’envoyer des sondes et des hommes dans l’espace, on pouvait bien y chercher des traces de vie… « Aujourd’hui, poursuit Michel Viso, l’exobiologie est reconnue comme une science, qui utilise des méthodes rigoureuses, scientifiques, basées sur l’observation,des mesures et des calculs, de l'expérimentation et des modélisations diverses. »

À  découvrir : l’histoire de l’astrobiologie en BD, avec ces albums édités par la Nasa (en anglais, donc).

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Extraits du tome 7 Crédits : Aaron Gronstal

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Carl Sagan, chantre de l’exobiologie, devant l’une des 2 sondes américaines Viking. Ces sondes (1976) devaient notamment rechercher des traces biologiques sur Mars. Crédits : "COSMOS• A PERSONAL VOYAGE "/ Druyan-Sagan Associates, Inc.

Des pistes de recherche variées



Les exobiologistes cherchent aujourd’hui à compléter le puzzle qui nous expliquera la contribution des molécules qui se forment dans notre environnement spatial à l'émergence de la forme de vie terrestre que nous connaissons; un processus similaire pourrait se dérouler ailleurs dans l'univers. Que ce soit le chimiste qui étudie la formation des molécules organiques, le géologue qui analyse les quelques très anciennes roches terrestres qui ont survécu à 3 milliards d’années d’érosion, le physicien qui étudie l’effet des radiations sur les  les molécules , tous utilisent à un moment donné les moyens fournis par l’exploration spatiale pour replacer leurs observations dans un contexte plus large.


Les scientifiques incitent aussi les agences spatiales à multiplier les missions qui recherchent directement des traces de vie, sur Mars par exemple. D’autres proposent des missions pour chercher, sur d’autres corps célestes, des molécules organiques. Ce sont des molécules comportant au moins un atome de carbone, lié à, au moins, un atome d’hydrogène. Les astéroïdes ((Hayabusa-2)ou les comètes (Rosetta), bientôt Europe et des satellites glacés de Jupiter (Juice), ou quelques satellites de Saturne comme Encelade et Titan ((, Dragonfly…) sont les principaux corps ciblés par des missions spatiales (voir ci-après).

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Le rover Curiosity a prouvé que des molécules carbonées existent sur Mars. Preuve encore de l’habitabilité de la planète. Crédits : NASA/JPL-Caltech/MSSS


Habitabilité, kezako ?

Les astronomes définissent, une zone d’habitabilité autour des étoiles. Cette notion est assez imprécise. C’est la zone autour de l’étoile qui serait compatible, compte tenu de la chaleur qu’elle rayonne, avec la présence d’eau liquide à la surface d’une planète qui ressemblerait à la Terre.

Les exobiologistes essaient, quant à eux, de déterminer l’habitabilité d’un corps céleste en surface ou en profondeur. Le premier ingrédient c’est l’eau ; H2O. Oui mais à l’état liquide et dans des conditions qui peuvent la maintenir ainsi pendant des temps géologiques (millions d‘années). Cette condition peut dépendre de la distance de la planète à son étoile (eau en surface) et de la présence d’une atmosphère. Cette eau liquide peut aussi être le résultat des interactions entre un satellite couvert de glace et l’objet autour duquel il orbite, formant ainsi des océans sous glaciaires. Le deuxième ingrédient, c’est l’échange de matière avec les vastes réserves contenues dans les roches (volcanisme profond ou de surface, hydrothermalisme…). Le troisième ingrédient c’est un apport d’énergie (lumière, chaleur, énergie chimique…), assez mais pas trop, pour provoquer les réactions entre des éléments ou entre des composés. Les éléments considérés comme indispensables sont le Carbone, l’Hydrogène, l’Azote (symbole chimique N), le Phosphore et le Soufre ; CHNOPS pour résumer. Pour les exobiologistes, la vie sera CHNOPS ou ne sera pas !

Explorer l’espace pour comprendre nos origines

Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Existe-t-il d’autres formes de vie, présentes ou passées ? L’exobiologie cherche des réponses à ces questions, qui nous aident à comprendre l’émergence de la vie sur Terre. Une émergence encore pleine d'inconnues…


l’émergence de la vie sur Terre : que d'inconnues !

Les premières traces de vie sur Terre datent de 3,8 milliards d’années, peu de temps après le refroidissement de la planète (quelques centaines de millions d’années quand même). La planète était alors devenue « habitable », avec une surface refroidie,  une atmosphère composée de diazote et de gaz carbonique (sans dioxygène) compatible avec des océans d’eau liquide. « La vie s’est alors formée à partir de briques élémentaires, explique Caroline Freissinet, biologiste au LATMOS-CNRS. Il s’agit de molécules assez complexes, acides aminés qui composent les protéines, de sucres  ou de longues molécules carbonées d’acides gras... ». Mais comment ces molécules inertes sont-elles devenues « vivantes » ? C’est bien là toute la question…  

La recherche avance. Les diverses origines possibles de ces « briques du vivant » sont identifiées. Une partie a été apportée par les comètes et les astéroïdes qui se sont écrasés sur Terre. Une partie a été synthétisée au fond des océans à proximité de volcans sous-marins, des fumeures noirs, peut-être même en surface autour des geysers ou des sources hydrothermales. Enfin, une dernière partie a été synthétisée dans l’atmosphère de la jeune Terre, là où les éclairs et les rayons du Soleil ont fourni assez d’énergie lumineuse pour initier des réactions chimiques entre les composés atmosphériques qui finissent par former des molécules complexes.



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Stanley Miller dans son laboratoire. Crédits : Stanley Miller Papers, Special Collections & Archives, UC San Diego

L’expérience de Miller, une brique de l’exobiologie

LLe chimiste américain Stanley Miller a été le premier a essayé de mimer, en laboratoire, l’origine de la vie. Il a réalisé avec succès la synthèse d’acides aminés à partir d’un mélange de gaz (proche de ceux qui existaient dans l’atmosphère terrestre il y a 4 milliards d’années) et de faux éclairs (des décharges électriques). C’était en 1953.
Bon, des études ultérieures ont montré que Miller s’était trompé dans la composition du gaz de son expérience, finalement assez éloigné de l’atmosphère primitive de la Terre. Mais cette expérience reste remarquable dans le domaine de l’exiobiologie. 

Mars, candidate idéale pour chercher une vie passée

« La planète Mars est aujourd’hui la candidate idéale pour rechercher des traces de vie », assure Michel Viso. On sait que la planète aujourd’hui est inhabitée en surface, mais une forme de vie aurait pu s’y développer il y a très longtemps. Mars s’est formée il y a 4 milliards d’années, en même temps que la Terre, et de l’eau liquide y a coulé en abondance. « De plus, ici, pas de tectonique des plaques comme sur Terre, où les roches primitives ont disparu ou ont été érodées. » Mars offre donc de grandes zones de recherche. Et l’Homme sait y faire travailler des robots.

C’est pourquoi les missions d’exploration de Mars s’enchainent : Hope (Emirats Arabes Unis, 2020), Tianwen-1 (Chine, 2020), Mars 2020… Lors de cette mission américaine, le robot Perseverance va préparer des échantillons du sol qui seront ensuite retournés sur Terre lors de prochaines missions.
Quant au rover européen ExoMars (décollage prévu en 2022), il va lui forer le sol jusqu’à 2 mètres de profondeur, pour essayer de trouver des molécules organiques, potentiellement d’origine biologique !

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Le cratère Jezero (rond au centre), lieu d’atterrissage de Perseverance, aurait hébergé un lac. Les missions d’exploration lancées depuis des années ont prouvé que de l’eau liquide a coulé sur la planète. Crédits : Nasa

Les « mondes-océans », une vie présente ?

« Nous allons peut-être découvrir des petits poissons extraterrestres dans l’océan d’Encelade… » sourit Caroline Freissinet. Cette lune de Saturne abrite en effet un immense océan. Et la mission Cassini a montré que des sources thermales jaillissaient au fond de la mer. « La chaleur, l’énergie, dégagée par ces fumeurs noirs peuvent créer des réactions chimiques entre les molécules, et donc des molécules plus complexes, explique Caroline. L’eau glacée autour peut ensuite les stabiliser. Sur Terre, la vie grouille autour de ces volcans sous-marins. » Pourquoi pas sur Encelade ?

Europe et Ganymède, lunes de Jupiter, abritent elles aussi un océan. La sonde européenne JUICE, qui les survolera à partir de 2030, nous en apprendra plus sur leur structure. Mais pour l’exploration sous-marine, il est encore technologiquement un peu tôt...
« J’attends aussi avec impatience la mission Dragonfly », poursuit Caroline Freissinet. Ce drone doit forer le sol de Titan à partir de 2034 et analyser les molécules extraites de plusieurs sites différents. L’atmosphère de cette lune de Saturne rappelle en effet celle de notre Terre il y a 4 milliards d’années.

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La vie s’est peut-être développée dans les sources hydrothermales de l’océan d’Encelade ? Crédits : NASA/JPL-Caltech

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Les échantillons prélevés sur l’astéroïde Bennu seront de retour sur Terre en 2023. Ils pourraient nous aider à comprendre l’origine de la vie. Crédits : NASA's Goddard Space Flight Center

Ne pas oublier les petits

« Comètes et astéroïdes sont farcis d’un tas de composés chimiques », raconte Michel Viso. Certes, les chances d’y découvrir une trace de vie sont minces. Mais ces corps, résidus du matériel originel qui a formé nos planètes, peuvent aider à mieux comprendre nos origines. Rosetta et son atterrisseur Philae ont ainsi analysé la comète Tchoury. Ils y ont découvert de la glycine, un acide aminé qui compose l’ADN. 2 autres missions, Hayabusa-2 et Osiris Rex, doivent eux ramener sur Terre des échantillons d’astéroïdes. Ils seront analysés dans les laboratoires terrestres, logiquement plus performants que les instruments envoyés dans l’espace


Au-delà de notre Système solaire

Qui dit exobiologie, dit exoplanètes ! On recense aujourd’hui plus de 4000 de ces planètes tournant autour d’étoile(s), au-delà de notre Système solaire. De quoi enthousiasmer les exobiologistes du monde entier.

Mais la vie, c’est quoi ?

Qu’est-ce que la vie ? Vaste question… Pour laquelle chacun a sa réponse.

Une réponse scientifique

Pour la science, le vivant se définit par 4 aspects : métaboliser, se multiplier, transmettre et évoluer.
Métaboliser, car un être vivant peut faire du soi-même par soi même. « En clair, explicite Michel Viso, si je mange une tomate, je ne vais pas devenir tomate mais je vais l’utiliser pour créer de nouvelles choses, pour moi-même, pour grandir. » (oui, il faut manger des légumes !)
Ensuite, les êtres vivants sont capables de se multiplier, et de transmettre une information génétique, mais de façon imparfaite. C’est d’ailleurs cette imperfection qui permet au vivant d’évoluer. Si l’environnement change, seule une partie des individus, celle avec un certain bagage génétique, sera capable de s’y adapter.

Les petits hommes verts : un mythe

« De la vie qui ressemblerait à la nôtre, c’est mathématiquement impossible, assure Michel Viso. C’est pourquoi je préfère parler de forme de vie extra-terrestre. » Qu’on se le dise, le martien anthropomorphe, qui ressemble à un humain, n’existe pas !
« Le fait que les premières cellules vivantes terrestres soient devenus des bactéries, puis des animaux, insectes et éléphants, et des hommes, est le résultat d’une succession de hasards. » C’est le fruit d’une évolution, au gré des mutations génétiques et des changements environnementaux. Et l’environnement est un paramètre très variable, qui va du cm2 à l’échelle du microbe à quelques km2 carrés pour les végétaux. « Je crains donc que nous soyons seuls, dans notre genre, dans l’Univers. Même si l’existence d’une forme de vie extraterrestre est vraisemblable ! »

Simples bactéries ou petits poissons ?

A quoi pourrait donc ressembler une vie extraterrestre ? Les spécialistes divergent. Pour Michel Viso, s’il existe une vie hors de la Terre, il s’agira essentiellement de tous petits organismes tels des microbes. L’expert du CNES rappelle d’ailleurs que « 90% de la biomasse terrestre, de la masse totale des êtres vivants sur Terre, est invisible puisqu’il s’agit de microbes ! »

Caroline Freissinet, elle, est persuadée que la vie a pu se développer à un stade plus complexe, une vie macroscopique avec des êtres pluricellulaires, voire des poissons, des plantes. Les prochaines missions spatiales trancheront peut-être sur la question ?

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Ces molécules organiques complexes, contenant du carbone et de l’hydrogène, font parties des éléments primordiaux essentiels à la vie. Crédits : Nasa/JPL-Caltech