9 Juin 2015

Les odyssées martiennes

En route pour Mars ! Depuis un demi-siècle, sondes et rovers sont régulièrement expédiés vers la Planète Rouge et leurs missions font progresser nos connaissances. Et demain ? Quelles futures découvertes nous réserve Mars ? Embarquez pour la formidable épopée martienne.

Des pionniers à Curiosity

Mars attise notre curiosité. Dès que l’être humain a pu disposer de la technologie suffisante, il s’est empressé d’envoyer des engins d’exploration vers la Planète Rouge. Depuis les années 60 jusqu’à nos jours, les missions en orbite et sur le sol martien se sont succédées.


La petite sœur de la Terre

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Observer Mars, c'est étudier la formation de la Terre, le changement climatique et l'apparition de la vie. © ESA

On dit souvent que Mars est la petite sœur de la Terre. « Petite » car elle est deux fois moins grande et dix fois moins massive. « Sœur » parce qu’elles sont issues du même nuage de gaz primitif et se ressemblent par certains aspects.

Mars et la Terre sont des planètes telluriques, c’est-à-dire composées de roches et de métaux, contrairement aux planètes gazeuses comme Jupiter ou Saturne. La période de rotation et l’inclinaison de leur axe de rotation (l’obliquité) sont quasiment les mêmes chez les deux planètes. Cela signifie que les cycles des jours et des nuits, ainsi que celui des saisons, sont similaires. Mars « court » cependant deux fois moins vite autour du Soleil : 1 année martienne dure 686,7 jours terrestres.

Même si elles sont nées au même moment, la Terre et Mars ne sont pas pour autant jumelles mais elles ont un passé similaire que l’on explore en espérant comprendre l’histoire des deux planètes.

Mars, à l’attaque !

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Avec Sojourner (mission Mars Pathfinder), la NASA réalise les premières explorations mobiles de Mars.© NASA/JPL

Depuis l’Antiquité, les êtres humains regardent vers Mars. A l’œil nu tout d’abord, puis avec des instruments optiques de plus en plus sophistiqués. Puis la technologie a permis de s’approcher et l'exploration a commencé.

C’était dans les années 1960. En 1965, les américains réussissent le survol de la planète rouge avec Mariner 4 qui envoie ses premières images de Mars. En 1971, la sonde Mariner 9 est mise en orbite. Elle est rejointe la même année par la soviétique Mars 2 qui lance le premier atterrisseur. C’est le premier objet humain à toucher le sol martien… violemment. Il s’est crashé. Le rover de Mars 3, mission jumelle de Mars 2, se pose, lui, en douceur, mais il tombe en panne quelques dizaines de secondes après. En 1975, les atterrisseurs des missions américaines Viking 1 et 2 se posent et parviennent notamment à transmettre des images du sol et du ciel martien. Il faut ensuite attendre plus de 20 ans (1996) pour que la NASA place une nouvelle sonde en orbite : Mars Global Surveyor. La même année, le premier robot à se déplacer sur Mars est Sojourner, petit rover de la mission Mars Pathfinder (1996 également). Un vrai pionnier.

Ça se bouscule sur la Planète Rouge

Aujourd’hui, Mars est une destination très courue. Cinq sondes sont en orbite autour de la Planète Rouge : 2001 Mars Odyssey (USA, lancée en 2001), Mars Express (Europe, lancée en 2003), Mars Reconnaissance Orbiter (USA, lancée en 2005), MAVEN (USA, lancée en 2013) et Mars Orbiter Mission (Inde, lancée en 2013). Et ce n’est pas tout ! Il y a aussi du monde au sol. Mars Exploration Rover (USA, 2003) a déployé deux rovers, Spirit et Opportunity. Si le premier ne donne plus de nouvelles, le second géologue à six roues explore toujours le sol martien. Il a été rejoint le 25 mai 2008 par l’atterrisseur fixe américain Phoenix puis par Curiosity, le rover de la mission Mars Science Laboratory en 2012. S’il est américain, ce robot embarque des technologies conçues et réalisées sous l’égide du CNES comme ChemCam, un instrument d’analyse à distance des roches. Toutes les missions, passées et actuelles, ont permis de faire de grands bonds dans la connaissance de Mars.


Voyage au cœur de la géographie martienne avec la sonde européenne Mars Express © ESA / DLR / FU Berlin (G. Neukum)

On a levé un coin du voile

La quinzaine de missions réussies à ce jour ont sérieusement fait progresser la connaissance de Mars. Nous savons à quoi elle ressemble précisément, qu’elle contient de l’eau sous forme de glace et… que nous n’y avons pas croisé de petits hommes verts.


Un physique bien connu

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Carte topographique en rouge, les points les plus hauts, en bleu, les moins élevés. © MOLA Science Team

La taille, la masse ou les déplacements de Mars sont connus depuis longtemps. Les égyptiens anciens avaient déjà remarqué son mouvement « rétrograde ». C’est un simple effet de point de vue : quand la Terre dépasse Mars dans sa révolution autour du Soleil, la planète rouge semble inverser sa course.

La géographie de Mars, elle, a été dévoilée par l’orbiteur Mariner 9 qui l’a entièrement cartographiée en 1971. Puis Mars Global Surveyor (1996-2006) a réalisé sa topographie intégrale grâce à son altimètre-laser (MOLA). Ces études ont révélé deux hémisphères totalement différents (on parle de dichotomie crustale). L’hémisphère nord est une vaste plaine lisse tandis que l'hémisphère sud est constitué de plateaux d’altitude constellés de cratères.

Mars comporte également de nombreux volcans. Parmi les plus remarquables, le Mont Olympus culmine à 21.229 m d’altitude. A côté, l’Everest, le mont le plus élevé sur Terre, fait figure de nain avec ses 8.848 m. Mars porte aussi une grande " balafre " à proximité de l’équateur. C’est Valles Marineris, réseau de vallées encaissées d’environ 4.000 km de long et atteignant 10 km de profondeur par endroits, qui ferait presque passer le grand Canyon aux Etats-Unis (800 km de long, 1 600 mètres de profondeur maximum) pour un simple fossé…

De l’eau !

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Maven étudie la raison qui a fait passer Mars d'une planète pleine d'eau (à gauche) à un univers désert et froid (à droite)

Avant de recevoir les images envoyées par Mariner 4 en 1965, on pensait que de l’eau ruisselait à la surface de Mars. En fait, la faible pression et les basses températures ne permettent pas à l’eau de rester à l’état liquide. Mars Odyssey et Phoenix ont cependant confirmé la présence d’eau en sous-sol et dans les régions polaires… sous forme de glace.

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En 2005, la sonde européenne Mars Express et son spectromètre OMEGA ont fait une découverte majeure : ils ont trouvé des argiles. Or, celles-ci ne se forment qu’en présence d’eau sur de très longues périodes. C’est aussi une preuve (confirmée par Curiosity en 2013) que, dans sa jeunesse, Mars a connu une période avec une atmosphère chaude et humide. Tout comme la Terre, Mars a donc été habitable à un moment de son histoire. Après, ça s’est gâté...

La planète rouge a perdu son champ magnétique qui protégeait l’atmosphère de l’irradiation solaire. L’effet de serre a cessé, les températures et la pression ont chuté. Il fait très froid sur Mars, - de -110°C à +10°C, avec une moyenne de -50°C au sol. Sa fine atmosphère est essentiellement composée de dioxyde de carbone et sa surface est balayée par de terribles tempêtes de poussières. Bienvenue sur Mars !

Y a-t-il des martiens ?

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Curiosity a recueilli des poussières pour la recherche de composés organiques. © NASA/JPL-Caltech/MSSS

Les romans et les films de science-fiction sont peuplés de petits hommes verts s’égayant sur Mars. Jusqu’à ce jour, nous n’en avons toujours pas croisés... Pourtant, puisque Mars a pu être habitable il y a 4 milliards d’années, des formes de vie auraient pu apparaître.

Plusieurs missions, comme Curiosity, cherchent ces éventuelles traces de vie, sous forme de composés organiques (hors CO2). Mais cette recherche est compliquée par le fait notamment que le sol de Mars contient des éléments chimiques, des perchlorates, qui oxydent (donc dégradent) ces composés organiques.

Aussi, le fait que l'on n'ait pas trouvé ces éléments aux endroits sondés, ne signifie pas qu’ils n’existent pas ailleurs ou qu’ils n’ont pas existé par le passé.

La détection probable de méthane, par Mars Express puis Curiosity, encourage également à poursuivre les recherches. Le gaz détecté pourrait provenir de « poches » anciennes qui le libéreraient, de réactions chimiques dans des zones chaudes… ou de bactéries nichées dans les profondeurs !

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Crédits : © NASA/JPL-Caltech

Mars, Planète habitable

On dit d’une planète qu’elle est habitable lorsque toutes les conditions propices à l’apparition de la vie sont réunies. C'est-à-dire que les éléments chimiques essentiels à la vie — carbone (C), hydrogène (H), oxygène (O), azote (N) — sont présents, ainsi que de l'eau liquide et de l'énergie. Ce qui ne signifie pas forcément que la vie soit apparu. Une planète peut avoir été habitable sans qu’aucun organisme vivant n’ait réussi à voir le jour.

Des mystères à éclaircir

Malgré les avancées de nos connaissances, de nombreuses questions restent en suspens. C’est pourquoi de nouvelles missions sont programmées pour étudier la structure interne de Mars et poursuivre les recherches de traces de vie

A l’écoute du cœur de Mars

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Grâce à son instrument SEIS, InSight peut détecter un séisme d’une magnitude d’au moins 4,5m. © JPL/NASA.

A ce jour, des orbiteurs et des rovers ont étudié et étudient l’atmosphère et le sol de Mars. Curiosity a creusé des petits trous d’environ 7 cm pour analyser des échantillons. Mais que recèle la Planète Rouge dans ses grandes profondeurs ?

Pour découvrir la structure interne de la planète, la NASA peaufine la mission InSight qui déposera en septembre 2016 un atterrisseur fixe contenant une station géophysique. Celle-ci sera notamment équipée de SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure), instrument phare de la mission, réalisé sous l’égide du CNES. Il sera capable de détecter les impacts de météorites et les séismes jusqu’à mille kilomètres de distance. La station étudiera également les mouvements du sol et les flux de chaleur à l’intérieur de Mars, grâce à un capteur qui s’enfoncera à cinq mètres dans le sol. Ces informations permettront de comprendre comment s’est formé la planète rouge, et donc la Terre.

Casser la croûte

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Mars comporte un noyau, un manteau et une croûte qui n’est pas répartie de manière uniforme. Celle de l’hémisphère sud est plus épaisse. © Nasa/JPL

InSight a une autre mission. Il devra étudier et déterminer l’épaisseur et la structure de la croûte de Mars.

Grâce à ces informations, les scientifiques pourront valider les hypothèses qui expliquent la différence si marquée des paysages martiens entre ses deux hémisphères.

En effet, la croûte martienne est plus épaisse dans l’hémisphère sud que dans l’hémisphère nord (la dichotomie crustale). Selon les dernières études effectuées grâce à des modèles informatiques poussés, l’explication tiendrait à l’impact d’un astéroïde massif près du pôle sud.

Ce choc de titans aurait fracassé la croûte martienne dans cet hémisphère et provoqué des remontées de magma qui se serait ensuite solidifié en formant une croûte plus épaisse qu’au Nord.

Une nouvelle décennie d’exploration

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SuperCam analysera la composition des roches en les chauffant grâce à son laser. © NASA/JPL Caltech, 2011

De nouvelles sondes et rovers vont poursuivre la recherche de traces de vie.

Le programme russo-européen ExoMars prévoit ainsi la mise en orbite, en 2016, d’une sonde chargée d’étudier les gaz en faible quantité dans l’atmosphère.

Notamment le méthane, qui pourrait être révélateur de la présence, passée ou présente, de la vie. Ce programme prévoit également une nouvelle étude du sous-sol grâce à un véhicule européen, largué en 2018.

Traquer la vie sera aussi un des objectifs de la mission Mars2020 (dite « vingt-vingt »), organisée par la NASA et embarquant SuperCam, l’instrument d’analyse des roches à distance, conçu par l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP).

SuperCam est le frère de ChemCam embarqué à bord de Curiosity. Comme lui, il étudiera la composition du sol martien. Il aidera en outre à la sélection d'échantillons de roches qui seront prélevées et stockées par le rover, en attendant qu'une mission future (entre 2025 et 2030) ne les rapatrie sur Terre.

Poser les pieds sur mars

Explorer Mars avec des robots est une chose, y envoyer des hommes et des femmes est un tout autre défi ! Un défi qui pourrait être relevé vers le milieu de ce siècle et auquel les scientifiques travaillent étape par étape.

 Pourquoi aller sur Mars ?

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Les promoteurs de Mars One promettent d’établir une base permanente sur la planète rouge en 2023. © MarsOne

La réponse à cette question est multiple.

Tout d’abord, les êtres humains sont plus aptes à travailler en autonomie. Ils savent mieux faire face aux imprévus que des robots. Un astronaute ne restera pas à rien faire pendant des semaines parce que sa perceuse a connu un petit court-circuit, par exemple, comme ce fût le cas de Curiosity en février 2015.

Et puis tout simplement parce que l’être humain n’a de cesse de repousser les limites, notamment en matière d’exploration. Mars est une sorte de continent sauvage à aborder. Enfin, la préparation de ce voyage contribue à faire avancer la science et les technologies. Car Mars, ce n’est ni la porte à côté, ni un paradis pour l’être humain. A ce jour, nous ne sommes pas encore capable ni d’y expédier des hommes et des femmes, ni de leur fournir tout ce dont ils auront besoin pour accomplir leur mission.

Un voyage très exigeant

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Envoyer des êtres humains sur Mars ne sera pas simple. En premier lieu, il y a le voyage de huit mois environ, durant lequel il faut s'occuper et supporter la promiscuité dans un espace très réduit.

Au cours du voyage, il faudra protéger l’équipage de diverses radiations. Il va falloir inventer un nouveau système d’atterrissage, celui utilisé pour les rovers n’est pas  adapté pour les êtres humains. Avant même qu’un humain pose le pied sur Mars, il aura fallu envoyer toute la nourriture pour couvrir les besoins de l’équipage pendant la durée de la mission et tout le nécessaire pour bâtir une base, lui fournir de l’énergie ainsi que de quoi produire de l’oxygène. Enfin, l’un des plus grands défis à surmonter pour envoyer l’humain sur Mars tient au financement de l’expédition. Certains experts estiment son coût à 1000 milliards de dollars !


La solution choisie pour l’atterrissage de Curiosity ne pourrait pas fonctionner pour un module habité. Les humains ne supporteraient pas la décélération trop brutale. © NASA/JPL

Départ imminent… ou presque

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Les scientifiques de différents pays se préparent aux missions martiennes. © ESA/R. Lockwood

Aujourd’hui, les agences gouvernementales réfléchissent à des projets de courts séjours sur Mars.

Les astronautes feront donc un aller-retour.

Le projet le plus avancé est celui de la Nasa. Il prévoit 11 véhicules et modules à développer. A ce jour, seuls deux sont en cours de réalisation: le lanceur lourd SLS (Space Launch System) et la capsule habitée Orion.

Selon les divers scénarii étudiés pour atteindre Mars – aucun ne vise un trajet direct mais des étapes soit lunaires, soit sur des astéroïdes – un être humain pourrait fouler le sol martien au plus tôt en 2037.

En attendant, les agences spatiales simulent des missions martiennes dans le désert de l'Utah (USA), à Hawaï, ou dans des modules fermés comme pour la mission européenne Mars 500.