19 Juin 2019

L'espace fête la musique

Depuis ses débuts, l’exploration spatiale se fait en chantant. La musique terrestre accompagne les astronautes alors que la danse des étoiles et des planètes inspire les compositeurs. Les scientifiques eux-mêmes traduisent les mouvements du cosmos en musique. Pour la Fête de la Musique le CNES vous invite à une balade musicale d’inspiration cosmique. À vos casques !

Astronautes mélomanes

Dès les premiers vols habités, les astronautes ont pris l’habitude d’accomplir leurs missions en musique. Choisis par le centre de contrôle au sol ou sélectionnés par les astronautes, certains morceaux sont même devenus emblématiques de l’exploration spatiale. Cette bande-son de leur séjour dans l’espace tisse un lien avec la Terre et entre les astronautes qui jouent parfois ensemble à bord.

Réveil en musique

Pas de sonnerie, ni de clairon. Pour briser la monotonie et soutenir le moral des deux astronautes enfermés pendant 14 jours dans la capsule Gemini 7 (1965), le 4e vol habité américain, en orbite terrestre, le centre de contrôle de Houston choisissait une musique de réveil différente chaque jour. La tradition des « Wake-up calls » était née.
Musique classique et standards américains tels que High Hopes de Frank Sinatra composaient l’essentiel du répertoire. Et le 18 décembre, l’équipage a regagné la Terre au son de I’ll Be Home For Christmas et de Going Back to Houston. Ce dernier morceau a été ensuite joué à chaque atterrissage pour marquer le retour des astronautes au centre d’entraînement de Houston. Depuis, même les robots de la Nasa comme Sojourner sur Mars ont leurs « wake-up songs » !

Eugene Cernan et Jack Schmitt sont les derniers astronautes à avoir marché et… chanté sur la Lune, en décembre 1972. © NASA

Le son de la Terre

La musique sert de lien avec la Terre. Le centre de contrôle choisit souvent des morceaux qui sont des clins d’œil liés à la mission ou aux astronautes. Par exemple, We’ve only just begun (“Ce n’est qu’un début“) des Carpenters (1970) a été joué aux astronautes d’Apollo 17, le dernier équipage sur la Lune en 1971 ou Come On Eileen, du groupe britannique Dexys Midnight Runners (1982), a réveillé l’astronaute Eileen Collins, commandant de bord de la Navette Atlantis en 2005. Souvent, des titres sont proposés par les familles des astronautes.
Les astronautes emportent aussi une sélection de leurs morceaux favoris. Un bout de leur vie terrestre, à écouter au casque pour échapper au fond sonore très bruyant de la navette ou de la station spatiale. Cela n’empêche pas de partager avec les terriens : Thomas Pesquet, qui aimait se promener seul le soir dans l’ISS, musique aux oreilles, a posté sa playlist sur son compte twitter avant son départ pour que nous puissions écouter ses titres favoris avec lui.

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Des artistes jouent ou enregistrent des messages de réveil pour les astronautes, comme ici Beyoncé pour l’équipage de la navette Atlantis, en 2011. Crédits : NASA

Concerts à bord

La musique est universelle dit-on. La preuve, à bord de la station Russe Mir (1986-2001) puis de l’ISS, les astronautes de toutes nationalités ont joué ensemble. Le canadien Chris Hadfield, le plus populaire d’entre eux, a par exemple fait un duo avec l’allemand Thomas Reiter à bord de Mir en 1995 puis, à bord de l’ISS en 2012-2013, un trio avec l’américain Tom Marshburn et le russe Roman Romanen, également guitaristes. Chris Hadfield est surtout connu pour avoir enregistré à bord de l’ISS une version désormais culte de Space Oddity de David Bowie. Ce fut sa façon de célébrer la fin de cette mission. En 2018, Drew Feustel l’a imité en quittant lui aussi l’ISS en chanson.
Thomas Pesquet, lui, avoue avoir joué du Joe Dassin pour ses co-équipiers. Dommage, cette prestation n’a pas été filmée ! L’astronaute français fait cependant partie de ceux qui ont accompagné des terriens depuis l’espace : il a chanté pour les Enfoirés, joué avec son ancien groupe étudiant rebaptisé les Spacelatorz, tourné un clip avec Yuksek. L’américaine Cady Coleman, elle, a eu le bonheur de réaliser un duo depuis l’ISS avec Ian Anderson, flûtiste de Jethro Tull, groupe mythique des années 70.

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Thomas Pesquet a enregistré plusieurs musiques depuis l’espace, dont ce clip des Spacelatorz, son ancien groupe étudiant.


Instruments voyageurs

Une guitare a été le premier instrument emporté à bord de la station russe Mir. En 1995, Chris Hadfield y a ajouté une guitare électrique spécialement allégée. Avant lui, en 1988, le français Jean-Loup Chrétien avait réussi à glisser dans ses bagages un clavier électronique, puis en 1999, son compatriote Jean-Pierre Haigneré a complété l’orchestre avec un saxophone. Depuis 2001, l’équipement de base de l’ISS comporte plusieurs instruments de musique, car ils sont jugés utiles au moral des astronautes : une guitare, une flûte, un didgeridoo et un clavier électronique. D’autres instruments y sont apportés par des astronautes le temps de leur séjour, comme des flûtes traversières, des saxophones, ou même une cornemuse !

Sons voyageurs

Dans l’espace, on ne vous entend pas crier. Ni chanter. Car le vide spatial ne transporte pas les ondes sonores. Cela n’empêche pas des passionnés de capter la « musique » des étoiles et des galaxies. Et pour le cas où les extraterrestres auraient des oreilles, nous envoyons même des enregistrements musicaux aux confins de l’univers.

La musique des étoiles

Pas de son dans le vide spatial, mais des vibrations : celles des atomes, des étoiles… qui nous parviennent sous forme de lumière ou d’ondes électromagnétiques que des scientifiques et des musiciens s’appliquent à nous faire entendre… Ils transposent par exemple en notes de musique les pixels d’une image de galaxies captée par le télescope spatial Hubble, ou transforment en musique les vibrations émises par le Soleil recueillies par la sonde SOHO (NASA/ESA), lancée en 1995 pour étudier la structure interne du Soleil. Cela aide à visualiser le mouvement des ondes qui traversent notre étoile, se gonflent et rebondissent à l’intérieur, assurent les scientifiques. Comme si l’on voyait à l’intérieur de Soleil. L’astrophysicien français Philippe Zarka, traduit lui aussi en modules sonores Les chants du Cosmos.
Vous vous demandez si le choc d’une collision de trous noirs ressemble à un gros coup de gong ou à un roulement de batterie ? Les ondes gravitationnelles générées ce phénomène ont-elles aussi été converties en son : les trous noirs ont désormais leur single !  Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques travaillent souvent avec de compositeurs tels que Arthur Jeffes, qui transforme les ondes gravitationnelles en musique électro.

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Certains musiciens, comme ceux du Kronos Quartet, utilisent les sons de l’univers dans leurs compositions. Crédits : Wojciech Wandzel

Sons explorateurs

Et si des extraterrestres pouvaient nous entendre ? Quelle playlist voudrions-nous partager ? En 1977, la NASA a sélectionné 27 musiques envoyées dans l’espace avec des photos et des sons terrestres pour présenter la Terre et l’humanité à d’éventuels extraterrestres : des musiques traditionnelles des cinq continents, un opéra de Mozart, la 5e symphonie de Beethoven ou un concerto de Bach et…  Johnny Be Good, morceau culte du rockeur Chuck Berrry. Ils sont gravés sur le Golden Record, un disque embarqué à bord des sondes Voyager 1 et Voyageur 2 qui naviguent aujourd’hui au-delà du système solaire.
Une autre sonde, l’européenne Huygens, a déposé sur Titan un enregistrement original, Music2Titan, composé pour la mission par les Français Julien Civange et Louis Haéri.
Les extraterrestres pourront aussi découvrir les Beatles, dont le morceau Across The Universe, écrit par John Lennon, a été diffusé dans l’espace par le réseau d’antennes de la Nasa en 2008 pour célébrer les 50 ans de l’agence spatiale américaine.

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27 morceaux gravés sur le Golden Record voyagent dans le milieu interstellaire à bord de la sonde Voyager 1. Ils sont les représentants de notre humanité auprès d’éventuels extraterrestres. Crédits : © NASA/JPL-Caltech

Hits intergalactiques

Certains morceaux sont désormais indissociables de l’aventure spatiale. Space Oddity, de David Bowie tient la tête de ce hit-parade. Il a été choisi par la chaîne britannique BBC pour accompagner le lancement de la mission Apollo XI en 1969, a fait l’objet du premier clip enregistré dans l’espace par l’astronaute canadien Chris Hadfield et il figure dans la playlist jouée au robot martien Opportunity pour tenter de le réveiller après son extinction en août 2018.
Rocket Man d’Elton John, ou Good Day Sunshine, des Beatles, joué en direct par Paul Mc Cartney pour l’équipage de l’ISS en 2005, sont aussi des classiques des wake-up calls, comme de nombreux autres tubes pop et rock. 
La culture rock, partagée par un grand nombre de terriens, est en effet omniprésente chez les astronautes et les passionnés d’espace en général. À tel point que plusieurs dizaines d’astéroïdes portent le nom de chanteurs rock. Ce sont les « Rock & Roll Minor Planet ».

Inspiration spatiale

Le bal des planètes, les éléments et les forces qui s’harmonisent dans l’univers, parfois comme sur une partition, l’inconnu, l’aventure scientifique, technique et humaine… l’espace offre une source d’inspiration sans limites, dans laquelle ont plongé des compositeurs de tous styles.

Sciences, SF, Techno et Electro

L’électro utilise la technologie pour vous transporter dans des univers sonores inédits. Pas étonnant que l’espace en soit l’une des grandes sources d’inspiration. L’instrument tout d’abord : ce sont des Français qui ont détourné les calculateurs jusqu’alors réservés à la NASA pour faire de la musique. Parmi eux, Pierre Barbaud en 1965, ou Jean-Claude Risset et son flight and countdown (1967).
Sons étranges et planant, imaginaire futuriste et fantastique, de très nombreux groupes électro revendiquent une fascination pour l’exploration spatiale. Le groupe allemand Krafwerk (1978) avec son tube Space Lab incarne ce lien. Le français Jean-Michel Jarre en est aussi un ambassadeur. Pour célébrer ses 25 ans, l’agence spatiale américaine lui a notamment commandé Last Rendez-Vous. L’astronaute américain Ronald E. Mc Nair devait le jouer depuis l’espace, mais il est décédé dans l’explosion de la navette Challenger en 1986. Techno (Drexciya), Ambient, House restent marqués de cette culture de l’espace et de science-fiction.

Jeff Mills, maître de la techno US, est fan de science et de science-fiction, et fasciné par l’espace. Avec Planets (2017) il invite à un voyage électro-orchestral à travers les planètes.

La tête dans les étoiles

La contemplation des astres ou l’exploration de l’univers inspirent tous les genres. Côté classique, Gustav Holst a par exemple composé une œuvre pour orchestre dédié aux planètes du système solaire, The Planet Full Suite. Dans les années 1970, le son planant des synthétiseurs et les références cosmiques gagnent le disco, (Magic Fly), la variété-électro (Space Art), le dub (Iration Steppas), le funk (Parliament-Funkadelic)… créant ainsi toute une galaxie de mouvements musicaux spécifiques, labellisé « space ». Le « Space rock » notamment, avec ses têtes de pont comme Hawkind, Pink Floyd, ou Gong.

Certains artistes revendiquent un lien direct avec le cosmos. Le jazzman Sun Ra affirmait avoir été enlevé par les extraterrestres et être chargé de pacifier la Terre par son art ! Le groupe Magma, lui, a inventé une langue, le kobaïen, venue d’une planète imaginaire et un style musical, le Zheul, « connecté avec l’univers ».
Chez d’autres, l’influence spatiale est plus discrète, mais tout aussi présente, souvent par des références dans les titres ou les paroles. En 2018, Brian May, le guitariste du goupe Queen a carrément composé un titre pour accompagner le survol de l’asteroïde Ultima Thulé par la sonde New Horizon. Il faut dire que le musicien est aussi… docteur en astrophysique !

Le groupe OK Go aime tourner des clips originaux. Faute d’aller dans l’espace, ils ont tourné en apesanteur dans l’avion Zero G !

Composer la BO de l'espace

L’engouement pour l’espace et la science-fiction se décline naturellement au cinéma. Pour accompagner ces images, réelles ou imaginaires, on convoque les compositeurs qui se retrouvent propulsé dans une autre dimension, dont certains ne reviendront pas. Jerry Goldsmith a par exemple signé la BO de La planète des singes, puis de Star Trek et d’Alien. John Williams, lui, restera a perpétuité associé aux voyages interstellaires et aux combats mythiques de… Star Wars. On oublie même qu’il a aussi composé la BO d’ET

Plus récemment, le saxophoniste Guillaume Perret s’est fait connaître du grand public pour la musique du documentaire sur Thomas Pesquet, 16  levers de Soleil.
Vangelis, déjà célèbre pour ses musiques de film (Blade Runner ; 1942, Christophe Colomb) a, lui, carrément composé la BO d’une mission spatiale ! La NASA lui a commandé un album, Mythodea, pour accompagner le lancement de la mission Mars Odyssey (2001) et organisé pour l’occasion un concert exceptionnel à Athènes.

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« 2001 : l'odyssée de l’Espace », de Stanley Kubrick, a transformé des morceaux déjà classiques (Richard Strauss et Johann Strauss) en des tubes planétaires, désormais irrémédiablement liés à ce film culte.


Ils chantent Apollo XI

Les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le 21 juillet 1969, ont marqué les années 1970… et au-delà. Les nombreux titres évoquant l’exploit de l’équipage d’Apollo XI en témoignent.

Aperçu :
- Armstrong, Aldrin and Collins, The Byrds (1969) 
https://www.youtube.com/watch?v=-VqqSc3aGa8
- Armstrong, Reg Lindsay (1969) 
https://www.youtube.com/watch?v=X-1VtFKiBzo
- For Michael Collins, Jeffrey And Me, Jethro Tull (1970) 
https://www.youtube.com/watch?v=eG5zRt-sNWE
- Apollo XI, Orchestral Manœuvre on the Dark, (1991) 
https://www.youtube.com/watch?time_continue=69&v=PV1hPgLm6cQ
- Man on The Moon, REM (1992) 
https://www.youtube.com/watch?v=dLxpNiF0YKs
- Neil Armstrong, – Moon Landing, Loops & Topology (2000)
 https://www.youtube.com/watch?v=nCrCmJu7Eeg&list=OLAK5uy_lwHgseRSf0Zu677Im2ZcrGAzOuFIaZ_SY&index=28&t=0s