11 Mars 2019

Merci l'espace !

Elise Plumet est journaliste en France, dans un monde où aucun engin n’a jamais été envoyé dans l’espace. Imaginez : l’aventure spatiale n’a jamais eu lieu ! Ce récit de science-fiction, basé sur les notes de la reporter, révèle tous les services et les objets de notre quotidien qui sont hérités du spatial. Et tous ceux qui nous attendent demain, et que le CNES aide déjà à imaginer.

Un monde sans satellite

Elise Plumet raconte dans ses notes son quotidien, sa vie, son travail, de journaliste, en France. Sauf que dans son monde, l’exploration spatiale n’a jamais eu lieu. Qu’est-ce que ça change ?

11 mars 2019 – Mauvais départ

Mmm, mauvais réveil. Ce matin la grève des postiers m’a privée du courrier. Pas de journal, impossible de vérifier si mon dernier article a bien été publié. Comme un fait exprès, le téléphone est en panne !
Tout ça alors que je dois préparer mon prochain reportage en urgence. Le journal m’envoie suivre l’équipe européenne qui part dans 2 jours au Pérou. Des scientifiques et des ingénieurs vont aider les secours locaux et tenter de comprendre pourquoi ce pays subit de si terribles inondations.

Pas de téléphone, donc pas de Minitel. Je vais devoir aller jusqu’à l’aéroport pour connaître les horaires des prochains vols et acheter les billets. Quelle perte de temps ! Espérons que je trouve un taxi.
Grrr, et bien sûr, le frigo est vide. Plus que des miettes de chips, je déteste ! Qui a eu l’idée de vendre des chips dans des paquets souples ? Je ne sais pas, mettez les chips en boîte, quoi ! Et même pas quelques pièces pour m’acheter un sandwich à la boulangerie du coin. Il faut aussi que je passe prendre de l’argent à la banque.

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La programmation informatique est née avec les programmes lunaires des années 1960. Aujourd’hui, les satellites permettent d’accéder à Internet partout sur la Terre. Dans les années 1980, c’est la France qui possédait le premier appareil transmettant des informations textuelles par le réseau téléphonique : le Minitel. Crédits : © Creative Commons Attribution 2.0 Générique

15 mars 2019 – J’ai soif !

Bientôt le départ. J’ai plein de choses à faire et il fait une chaleur de fou. Ah, le livreur d’eau sonne à la porte. Super, j’ai soif ! Vivement l’eau potable au robinet !
J’emporte avec moi mon dernier joujou : je me suis offert un ORDINATEUR PORTABLE. Ça vient de sortir, je l’ai acheté en avant-première au salon des innovations, au stand de la nouvelle entreprise Banana qui prétend mettre l’informatique partout. J’espère que la batterie est aussi performante que promis : 1 heure d’autonomie, c’est énorme !
Dilemme : Quelle documentation emporter ? J’ai mis quelques notes dans l’ordinateur mais ma bibliothèque va me manquer…
Ne pas oublier de glisser mon jeu de cartes dans la valise. Ça peut servir pour faire des réussites dans l’avion ou jouer le soir avec l’équipe.

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Les jeux vidéo, performants, interactifs et connectés ne seraient peut-être pas là sans le spatial. Le joystick, les lunettes connectées ou le casque à micro ont notamment migré des engins spatiaux et des postes de contrôle vers nos consoles de jeux. Crédits : Nasa

18 mars 2019 – Perdus en forêt...

Quel atterrissage ! Arrivée mouvementée hier à Piura. À notre départ, le bureau européen de la compagnie n’avait pas encore reçu les dernières photos aériennes de l’aéroport. Et côté prévision météo, c’est toujours la grande incertitude. « Il va peut-être continuer à pleuvoir » reste le plus précis qu’on peut espérer. Or la situation se dégrade d’heure en heure et la piste d’atterrissage est sérieusement inondée.
Cet après-midi, nous sommes allés jusqu’à un village voisin. La route était coupée par des glissements de terrain, 3 heures de marche. Il a fallu contourner par la forêt et bien évidemment on s’est perdu. Xavier est peut-être un bon ingénieur, mais sûrement pas un bon guide ! Il n’avait pas de boussole et sa carte n’était pas à jour. La totale !
Demain, j’assiste au vol test d’une escadrille de drones. Bardés de capteurs, ils vont effectuer des mesures sur toute une bande de la côte. D’accord, les conditions météo doivent être favorables, pas trop de vent surtout, mais c’est une belle invention ces drones. Certains disent qu’il faudrait pouvoir survoler la terre en permanence pour observer notre planète non-stop, comme si on l’avait en entier sous un microscope. On peut toujours rêver !

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Atmosphère, nuages, température, vents… les satellites météo effectuent diverses mesures sur l’ensemble de la planète. Ces données continues et globales permettent, à court terme, d’anticiper les phénomènes météo et, en les comparant sur de longues périodes, de comprendre le climat. Crédits : Nasa

L’espace, source d’inventions

Dans les années 1950, les grandes puissances ont décidé de lancer des programmes spatiaux, car ils savaient que cela serait source de progrès scientifiques et techniques. Mais ils étaient probablement loin d’en imaginer toutes les retombées !

Allô ?

Aujourd’hui, quelques 1900 satellites sont en activité autour de la Terre. Plus d’un tiers d’entre eux sont des satellites de communication. Ils relient instantanément n’importe quel point de la planète. C’est grâce à eux que les journalistes envoient en direct leurs témoignages et images aux journaux, radios et télévisions de tous les pays. Cela permet aussi de faire de la télémédecine : réaliser à distance des examens tels que des échographies, voire piloter des soins ou une opération chirurgicale. 
Un million d’applis mobiles dépendent des satellites de géolocalisation comme ceux du système Galileo ! Commander un taxi, une pizza, chercher une adresse, un magasin spécialisé… tout cela passe par les satellites de géolocalisation, y compris la sécurisation des échanges bancaires qui gèrent les distributeurs de billets. Enfin, nous ne savons plus nous repérer et nous guider sans aides à la navigation (GPS, Galileo…). Et ils sont aussi très utiles pour suivre et organiser les transports ou envoyer et coordonner les secours après le déclenchement de l’une du million de balises Cospas-Sarsat, qui équipent avions, navires, randonneurs…

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Les satellites d’observation tels que Pléiades procurent des images très précises de catastrophes, comme ici les inondations de juillet 2018 au Japon. Une aide précieuse pour l’organisation des secours.

A voir : les inondations de juillet 2018 au Japon

Des gros chips craquants !

Pour lancer des fusées capables de s’arracher à l’attraction terrestre, de résister aux frottements de l’atmosphère puis aux radiations cosmiques, il a fallu inventer des moteurs puissants et fiables, des matériaux résistants et toujours plus légers. La fibre de carbone, aussi solide que l’acier, mais 5 fois moins lourde, dans laquelle sont construits les avions ou les cadres de vélos ultra légers en est un exemple. Ton appareil dentaire fabriqué dans un alliage à mémoire de forme est aussi issu du spatial !  
Sans l’accéléromètre (qui analyse la direction d’un déplacement) ou le gyroscope (qui détecte des changements de vitesse et d’orientation autour d’un axe) pas de smartphone performant. Ce sont eux qui permettent de garder l’orientation de l’écran ou de détecter les mouvements quand tu regardes une vidéo 360. Sans parler de la batterie ou des microcircuits électroniques qui composent ton portable.
Et si les chips restent entiers dans leur paquet, c’est parce qu’en étudiant les techniques d’atterrissage des sondes sur une planète on a réduit le risque d’écrasement à leur ensachage.

Comprendre la Terre

Aller dans l’espace, cela permet de mieux observer la Terre. Grâce aux satellites, nous connaissons ainsi plus précisément sa géographie et ses reliefs. Avec l’altimétrie, les satellites océanographiques Jason mesurent la hauteur des mers sur l’ensemble de la planète. Couplés à d’autres mesures radars, on en déduit les parcours des courants océaniques et leur rôle dans le climat. C’est grâce à ces observations globales et régulières notamment, que l’on a pu comprendre le phénomène El Niño ou encore mesurer l’impact du réchauffement climatique, en particulier la montée du niveau des océans.
Les satellites nous indiquent également l’évolution des ressources terrestres aussi bien animales que végétales, et leurs interactions.
L’exploration d’autres objets spatiaux tels que la Lune, les planètes du Système solaire ou encore les comètes, par exemple, nous renseigne sur l’histoire de la formation et de l’évolution de la Terre.

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Des satellites font progresser la science. Ainsi, Microscope met à l’épreuve la physique fondamentale. Sa mission : valider la théorie de la relativité d’Albert Einstein ! Crédits : CNES/Ducros

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Crédits : Skis Rossignol S.A.

Sensations fortes

Le spatial booste les performances sportives. Des voitures de course sont équipées des matériaux identiques à ceux du bouclier thermique du lanceur européen Ariane, ou faites dans le même carbone allégé que les satellites. La sonde Rosetta et le robot Philae, qui s’est posé sur la comète Chury, fin 2014, et a analysé sa composition, ont inspiré le design et le revêtement de skis de haute vitesse.

C’est déjà demain

Plus précis, plus fiable, moins cher… L’amélioration de la précision des images satellites, des systèmes de géolocalisation, de la fiabilité et de la continuité des communications va donner naissance à de nouveaux services. Le CNES facilite l’accès à ces technologies et aide ainsi les entreprises à inventer les objets et les services de demain.

Voitures sans chauffeur

Embarquer dans une voiture sans chauffeur et se laisser conduire, ce n’est plus de la science-fiction. Les véhicules autonomes sont notamment rendus possibles par les satellites Galileo, qui offrent une précision de géolocalisation plus précise et plus fiable.
Un boîtier embarqué, relié aux satellites, pourra enregistrer toutes les informations d’un déplacement en temps réel. Cela ouvre la voie à de multiples services : règlement automatisé du péage, paiement de l’assurance automobile en fonction des kilomètres parcourus, ou analyse d’un accident pour en déterminer les causes.
Cette technologie améliore également les possibilités de guidage et de suivi des transports maritimes et ferroviaires, ou encore la mise au point de nombreux robots autonomes, comme ceux capables de désherber les champs et d’éviter l’utilisation des pesticides.

Dans un registre plus ludique l’amélioration du positionnement qui permet déjà des expériences enrichies va se développer et générer d’autres services. Imaginez. Cette technique fait par exemple apparaître sur une tablette la tour aujourd’hui détruite d’un château médiéval que vous visitez. Demain, vous pourrez visiter des maisons virtuelles avant leur construction, voir ce qu’il y a dans un magasin qui se trouve sur votre chemin…

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Toutes sortes d’objets connectés sont en projet : des baskets intelligentes par exemple, qui s’adaptent à chaque pied comme ici, mais aussi qui mesurent la performance et préviennent les secours en cas de chute. Crédits : Nike

Au service de l’environnement

Les données satellites sont déjà utiles à l’agriculture. La connaissance de l’état d’un sol, de l’état de santé des plantes, couplée à des prévisions météorologiques fiables, permet de doser les arrosages et d’utiliser moins d’engrais. À l’avenir, on pourra mieux planifier l’organisation et les quantités des récoltes et économiser encore davantage les ressources.
L’organisation et le suivi des transports en temps réel réduit les risques d’accidents et de pollution. La pollution de l’air par exemple, en facilitant l’intermodalité, c’est-à-dire l’utilisation de plusieurs modes de transport (train-bus-vélo…) pour un même déplacement.
Le CNES encourage aussi les entreprises et les villes à exploiter la précision de l’interférométrie satellite, pour la surveillance des mouvements des infrastructures (ponts, barrages…) et de bâtiments. Comme le prévoit par exemple la RATP pour le creusement du tunnel de la future ligne de métro autour de Paris : le projet « Grand Paris ».
Le CNES et la SNCF cherchent par ailleurs à améliorer la gestion du trafic ferroviaire grâce à Galileo. Ils travaillent aussi à un système de surveillance des voies qui allie la précision des images Pléiades à des contrôles par drones et par mesures au sol. Surveillance totale et continue garantie !

Certains constructeurs comme Airbus réfléchissent à un véhicule autonome mi-terrestre, mi-aérien, qui s’utilisera via une application mobile utilisant la géolocalisation : https://www.youtube.com/watch?v=2LggHhR2kFk

L'espace, laboratoire des sciences

La Station Spatiale Internationale (ISS) est un laboratoire en micropesanteur dans lequel sont testés des matériaux de demain, par exemple des alliages ou des revêtements intelligents comme le revêtement antibactérien MATISS testé par Thomas Pesquet en 2017. Dans l’ISS, grâce aux études menées sur les astronautes, on teste des méthodes pour prévenir certaines maladies, comme l’ostéoporose, une fragilisation des os. Et l’on met au point des techniques pour économiser et recycler les ressources (air, eau, déchets, matériaux) ou faire pousser des plantes en milieu hostile.

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À bord de l'ISS, les astronautes préparent les matériaux ou technologies de demain. Ici, Thomas Pesquet installe Fuidics, qui aidera à mieux maîtriser le comportement des fluides. Crédits : Nasa/Esa


Le cnes connecte le futur

L’un des rôles du CNES est de promouvoir les utilisations des données et technologies issues du spatial pour des applications terrestres. À travers son service CONNECT by CNES, l’agence spatiale fait connaître ces solutions et leur potentiel et aide les entreprises ou les collectivités à imaginer leur utilisation. Cela prend la forme d’une aide technique pour mettre au point les idées, grâce au soutien des ingénieurs du CNES, ou d’une mise en relation entre différents industriels, mais aussi de l’aide à la recherche de financements. Ce programme a déjà aidé des dizaines de startups, comme par exemple celle qui utilise des images spatiales pour mesurer la qualité de l’air, et prévenir, via un système connecté, les personnes des risques d’allergie.