16 Juin 2020

Orages, pile et face

En novembre prochain, le satellite français Taranis partira observer les phénomènes électriques qui se produisent sur des dizaines de kilomètres au-dessus des nuages d’orage et qui illuminent l’atmosphère pendant quelques millisecondes. Côté pile ou côté face, les orages produisent des phénomènes ultra-énergétiques qui fascinent les hommes depuis toujours.

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Crédits : © Tobias Van Der Elst, CC BY-SA 2.0

Coup de foudre 

Les orages étaient craints de nos ancêtres les Gaulois. Il faut dire que ces phénomènes atmosphériques sont plutôt impressionnants ! Ils sont aujourd’hui étudiés de près, suivis depuis le sol et l’espace, comptabilisés : 16 millions d’orages éclatent dans le monde chaque année.

L’orage, un nuage bien agité

Les orages se forment dans des nuages appelés cumulonimbus. De très gros nuages qui s’élèvent jusqu’à 15 km de haut. Les orages se caractérisent par plusieurs phénomènes : les éclairs, le tonnerre mais aussi de fortes pluies et des rafales de vent.
L’éclair est une décharge électrique qui se produit la plupart du temps à l’intérieur des nuages ou entre deux nuages, parfois entre le nuage et le sol. On l’appelle alors foudre. Il est la conséquence de l’agitation qui règne dans le cumulonimbus : les gouttes d’eau et les cristaux de glace qui le composent se cognent, se frottent, échangeant ainsi une partie de leur charge électrique. Les plus lourdes, chargées négativement, tombent vers le bas du nuage alors que les plus petites, positives, s’élèvent. Résultat : une différence de potentiel électrique qui peut provoquer une décharge électrique. En quelques millièmes de secondes, l’air atteint localement 30 000  degrés. Un brusque coup de chaud que l’on voit sous la forme d’un éclair.

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Eclairs au-dessus du Kennedy Space Center, en Floride. 90 % des éclairs se produisent au dessus de la terre ferme. Crédits : NASA/Bill Ingalls

Des connaissances récentes

Les gaulois, paraît-il, n’avaient peur que d’une chose : que le ciel leur tombe sur la tête. Les orages ont toujours existé et l’on comprend facilement qu’ils aient pu effrayer nos ancêtres. Aujourd’hui encore, assister à un orage ne laisse pas indifférent.
Sauf qu’aujourd’hui, on comprend le phénomène. Notamment depuis Benjamin Franklin, un scientifique américain du 18e siècle, célèbre pour avoir inventé le paratonnerre. C’est lui qui a mis en évidence la nature électrique de l’éclair. Puis au 20e siècle, les progrès technologiques et, notamment le développement de la météorologie spatiale, ont permis d’accroître nos connaissances sur les caprices du ciel.

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Cette photo a été prise depuis l’ISS par l’astronaute Alexander Gerst : le typhon Trami qui a touché le Japon en 2018. Crédits : ESA/NASA-A.Gerst

De Toutatis à Taranis

Eclairs et coups de tonnerre ne sont pas les seules manifestations qui se produisent pendant un orage. Des phénomènes ont lieu également au-dessus des nuages, comme des jets de lumière qui peuvent atteindre 90 km de haut. Ce sont ces phénomènes méconnus que le satellite français Taranis va partir observer en juin 2020.

Côté face, un vrai feu d’artifice !

Pendant les orages, des décharges électriques se produisent aussi au-dessus des nuages, entre leur sommet et jusqu’à environ 100 km d’altitude. Ce sont les phénomènes lumineux transitoires (TLE, Transient Luminous Events). Ils prennent différentes formes :
    •    les sylphes ou farfadets (sprites en anglais) démarrent à environ 70 km du sol et s’étirent sur plusieurs dizaines de kilomètres de haut. Ils peuvent prendre différentes formes, carottes, colonnes ou encore méduses !
    •    les jets sont eux de véritables karshers lumineux qui partent du haut du nuage. Les jets géants peuvent atteindre 90 km de haut.
    •    les elves sont de grands anneaux lumineux (diamètre entre 100 et 300 km) qui apparaissent très brièvement à environ 100 km d’altitude.

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Ces sprites ont eu lieu au-dessus d’un orage au-dessus de la Manche. Stéphane Vetter les a photographiés sur un sommet vosgien, à plus de 500 km. Cette photo est l’assemblage de 17 images prises toutes les 40 millisecondes. Au total, le phénomène a duré 0,68 seconde ! Crédits : Stéphane Vetter
Une histoire récente

L’histoire commence en 1989 : des scientifiques américains de l’Université du Minnesota testent de nuit leur nouvelle caméra vidéo. Quelle surprise en découvrant les images : la caméra avait capturé un sprite. C’était la première preuve de leur existence ! Un physicien écossais, Charles Thomson Rees Wilson, avait certes théorisé leur existence au début du 20e siècle. Et certains pilotes avaient déjà été témoins de ces phénomènes, sans vraiment être sûrs qu’ils ne s’agissent pas d’hallucinations. Mais rien n’avait encore été prouvé.

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Des sprites s'élevant au-dessus d'un orage aux Etats-Unis. Photo prise par le "chasseur de sprites" Paul Smith. Crédits : Paul M.Smith

Chasseurs de farfadets

Une communauté de photographes passionnés est en train de se développer. Ces personnes parcourent le monde pour prendre les plus belles photos de TLE. De véritables « chasseurs de sprite » à l’image du français Stéphane Vetter (http://nuitsacrees.fr) ou de l’américain Paul Smith ! (chaine YouTube, Groupe Facebook)

Observations spatiales

Le CNES développe depuis 10 ans un satellite qui doit décoller de Guyane en août 2020, Taranis. Il va traquer ces phénomènes depuis l’espace, « par-dessus ». Objectif : comprendre comment se forment les TLE et TGF, et comment ils interagissent avec notre atmosphère.
Taranis est un vrai laboratoire volant, avec 8 instruments de détection comme des caméras, des photomètres ou des détecteurs de rayons X. Tous fonctionneront en permanence, et lorsque le satellite détectera une mesure exceptionnelle, l’ordinateur de bord ordonnera à tous les instruments d’enregistrer en haute définition les données acquises à cet instant, ainsi qu’un peu avant et qu’un peu après. On est ainsi sûr de ne pas manquer ces phénomènes de quelques millisecondes.

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Dernières vérifications sur le satellite Taranis, dans une salle propre du Centre spatial de Toulouse. Crédits : CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2019

Taranis, petit mais ambitieux

Christophe Bastien-Thiry, chef de projet Taranis au CNES : « Taranis est un microsatellite d’à peine 1m3 pour 185 kg (moins c’est lourd, moins c’est cher !)  Il a donc fallu miniaturiser les équipements et les 8 instruments qu’il embarque, un vrai défi. Des instruments développés spécialement pour cette mission, ce sont des prototypes. La communauté scientifique attend beaucoup de Taranis, qui devrait ouvrir de nouvelles voies et pourquoi pas de nouvelles disciplines dans l’étude de notre atmosphère. Taranis pourra aussi permettre de préciser les modèles d’évolution du climat. »

Orages extra-terrestres

La Terre n’est pas la seule planète du Système solaire à subir des phénomènes météorologiques extrêmes. Petit tour d’horizon des tempêtes et autres orages extra-terrestres.

Des Géantes bien agitées !

Jupiter est célèbre pour sa « Grande Tâche rouge » : une énorme tempête ovale de 15 000 km de long, qui sévit depuis plus de 350 ans (elle a été découverte en 1665 par Jean-Dominique Cassini). Les éclairs d’orage qui frappent cette planète sont quant à eux 1000 fois plus puissants que ceux sur Terre.
L’atmosphère de Saturne est elle aussi secouée par d’énormes tempêtes, tous les 25-30 ans, qui s’étirent sur des dizaines de milliers de kilomètres. L’une d’entre elles a été observée par la sonde Cassini en 2011. Une tempête monstrueuse : presque 8 fois la taille de la France et pas moins de 10 éclairs par seconde au plus fort de l’orage.
Enfin, de grosses tempêtes sévissent aussi sur Uranus et Neptune, qui a le record des vents les plus forts : 2100 km/h !

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La Grande Tache Rouge de Jupiter (à g.) et la grande tâche blanche de Saturne : 2 monstrueuses tempêtes. Crédits : NASA, ESA, A. Simon (Goddard Space Flight Center) and M.H. Wong (University of California, Berkeley) et NASA/JPL-Caltech/SSI

Tempête martienne : tous au sec !

Sur Mars, il ne pleut pas, l’eau n’y existe qu’à l’état de glace. Reste que la planète rouge est elle aussi agitée par des tempêtes… de poussières, soulevées par des vents violents. Elles peuvent recouvrir toute la planète et durer des mois. Car sans pluie, les particules ne sont pas entrainées vers le sol, et  peuvent ainsi rester en suspension dans l’air.

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A gauche, Mars sans tempête. A droite, Mars subissant une tempête de poussière qui s’est entendue à l’ensemble de la planète. Crédits : NASA/JPL-Caltech/MSSS

Un Soleil parfois mal luné

Notre étoile connaît des sautes d’humeur. Le Soleil expulse, en permanence et dans toutes les directions, de la matière, des particules chargées électriquement. C’est le vent solaire… Parfois, ces expulsions deviennent de vraies tempêtes, de gigantesques éruptions appelées éjections de masse coronale. D’énormes nuages de particules chargées d’électricité sont expulsés dans l’espace.  Sur Terre, nous en sommes protégés par un bouclier invisible, le champ magnétique terrestre.
Mais ces tempêtes solaires peuvent être dommageables pour les satellites et les astronautes. Elles peuvent aussi bloquer les signaux radio venant des satellites. Une nouvelle discipline est ainsi en train de se structurer, la météorologie spatiale, qui vise à surveiller le Soleil pour prévoir ses sautes d’humeur.

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Le Soleil est en constante activité. La sonde SDO a capturé cette image où l’on voit, à gauche, une éruption solaire. Crédits : NASA/SDO