6 Juin 2012

Un satellite, des arbres et une bonne dose d'acidité

Les forêts boréales acidifient elles-mêmes leur environnement. Grâce à la caméra à infrarouge embarquée sur le satellite MetOp, cela a sauté aux yeux !

Une carte et une grosse surprise...D'anniversaire ? Que nenni !

Il s'agit de la première carte mondiale d'acide formique. Juste au-dessus des forêts boréales et tropicales, de grosses tâches rouges montrent que ces zones vertes acidifient elles-même leur environnement.

Mais rassurez-vous, les arbres ne se rendent pas malades. pas de suicide chez les plantes ! La nature est bien faite : l'acide formique est vite dégradé dans le sol et dans l'eau par des bactéries présentes naturellement dans l'écosystème. Ouf, tout va bien mais..." il ne faudrait pas rajouter des sources supplémentaires d'acidité à ces milieux déjà fragiles. Implanter des usines pourraient y avoir des effets catastrophiques ! " précise Jenny Stavrakou, chercheuse à l'Institut d'aéronomie spatiale de Belgique.

D'autant qu'à la différence de l'acide formique, les acides sulfurique et nitrique issus de nos usines chauffages et transports ne sont pas dégradées par les bactéries locales.

 

MetOp dévoile ses informations

Jusqu'alors, la quantité d'acide formique dans l'atmosphère était incertaine. Seule une cinquantaine de mesures de terrain avait déjà été effectuée à travers le monde.

Pour remédier à cette ignorance, Jenny a sollicité l'aide du satellite météorologique MetOp lancé en 2006 et tournant à 800 km d'altitude. elle avait en particulier besoin des résultats de son instrument IASI, conçu par le CNES : sa caméra thermique est capable de mesurer le rayonnement infrarouge avec une résolution au sol de 12 km de diamètre.

 

Invisibles à l'oeil nu, ces rayonnements informent sur les températures de surface ( juste au-dessus des mers, des continents, mais aussi dans les différentes couches d'air de l'atmosphère ). Des données bien utiles pour prévoir la météo à moyen terme.

Mais pour l'acide formique, c'est une autre propriété de la caméra qui est entrée en jeu. Sa capacité à déterminer la concentration de gaz qui absorbent spécifiquement certaines longueurs d'ondes dans l'infrarouge : vapeur d'eau, ozone, méthane...

Et depuis peu, acide formique ! Deux ans de tests et de calibrage ont été nécessaires pour isoler sa "signature" dans le spectre infrarouge.

 

Prochain lancement du satellite Metop B

Le lancement du satellite Metop B et de son instrument IASI, initialement prévu le 23 mai par un lanceur Soyouz depuis Baïkonour, a été reporté de quelques semaines et devrait intervenir dans la deuxième quinzaine de juillet.

De l'odeur à l'acide

Finalement, Jenny obtient une carte globale des émissions d'acide formique sur Terre.

Résultats :

  • un, la production mondiale est sous-estimée d'un facteur 3 ;
  • deux, au niveau de la taïga et des forêts tropicales, cette production contribue pour 60 à 80 % à l'acidité des pluies.

En zone boréale, la douce odeur des résineux pourrait bien en être responsable ! C'est l'hypothèse de Jenny : " les molécules aromatiques volatiles émises par les résineux, appelés terpénoïdes, réagissent très vite dans l'atmosphère, notamment avec l'oxygène, pour former de l'acide formique ".

Certains feuillus des forêts tropicales libéreraient aussi des terpénoïdes. Vous ne sentirez plus les arbres de la même façon !