5 Janvier 2015

Ballons, véhicules dans le vent

Cela fait plus de 50 ans que le CNES conçoit des ballons pour mener des expériences au cœur de l’atmosphère. A l’été 2014, au Canada, la campagne Strato-Science a réalisé 7 vols de ballons scientifiques, dont un pour tester un télescope géant de 460 kg.

Faire voler la science

Les ballons sont des outils performants pour étudier l’atmosphère, scruter le ciel, mais aussi tester de futures technologies spatiales. La France, qui l’a bien compris, a aujourd’hui une solide expérience dans le lâcher de ballons.

Mener des expériences

Les ballons stratosphériques sont les seuls véhicules capables de voler dans l’atmosphère terrestre, entre 20 et 40 km d’altitude.

Les avions volent trop bas, les satellites, en orbite, sont trop hauts, et les fusées ne font que la traverser… Les ballons (ou aérostats) intéressent donc les scientifiques qui étudient l’atmosphère (chimie, physique, effet de serre, particules polluantes…).

Ils peuvent effectuer des mesures au cœur du milieu étudié, grâce aux instruments embarqués dans les nacelles (capteurs d’humidité, de température…).

Les données sont transmises pendant le vol ou récupérées après celui-ci. Les astronomes aussi sont intéressés par ces véhicules, très utiles pour placer son télescope au-dessus des couches denses de l’atmosphère, et scruter le fond de l’Univers.

 

Le projet PILOT est une expérience d’astronomie, pour étudier le champ magnétique de la galaxie. Le télescope embarquera dans la nacelle d’un ballon stratosphérique.

Tester les technologies spatiales

Les ballons stratosphériques sont aussi utilisés pour tester des technologies qui seront ensuite installées sur des satellites ou autres modules spatiaux. Des caméras, des cellules solaires… Par exemple, à l’été 2014, le CNES a testé « EUSO-balloon », un énorme télescope scientifique, lors d’un vol de la campagne Strato-Science.

Ce télescope doit être installé à terme sur la Station Spatiale Internationale, pour étudier des particules cosmiques très rares. Grâce au ballon, les scientifiques ont pu le tester « en l’air », puis le récupérer pour affiner leurs réglages. Ce qui aurait été beaucoup plus acrobatique si le télescope était déjà en place sur l’ISS !

La NASA, l’agence spatiale américaine a, elle aussi, utilisé un ballon pour envoyer un vaisseau, qui servira peut être un jour à envoyer des hommes sur Mars, à 36 000 mètres au-dessus de nos têtes. Le ballon a permis d’atteindre des altitudes où les conditions sont semblables à celles de la haute atmosphère de Mars.

La France est gonflée !

Peu de pays ont réellement développé l’activité ballon. Les Etats-Unis, le Japon… et la France.

Depuis 1962, le CNES a lancé plus de 3500 ballons depuis une trentaine de lieux différents dans le monde.

La France soutient ainsi la recherche, en donnant aux scientifiques européens les moyens de mener leurs expériences. Au CNES, l’activité ballon, c’est une soixantaine de personnes et des compétences diverses : spécialistes en météorologie, en matériaux souples, en physique du vol, en électronique… et en techniques de lâcher de ballons !

Des initiatives privées se développent également. Google s'est associé au CNES pour développer sa flotte de ballons Loon qui amèneront Internet dans les zones isolées.

Une autre société américaine prévoit, elle, d’emmener des touristes à 30 km dans les airs grâce à des ballons stratosphériques.

A fond les manettes

Une enveloppe en plastique gonflée à l’hélium, une nacelle bourrée d’instruments. Sur le principe, les aérostats sont des outils simples. Mais les manœuvrer est beaucoup plus complexe.

BSO ou BP ?

Le principe des ballons stratosphériques est simple : une enveloppe gonflée d’un gaz plus léger que l’air, à laquelle on accroche une nacelle contenant les instruments scientifiques, et une autre où sont regroupés les équipements de pilotage.

Il en existe deux types principaux.

Les ballons stratosphériques ouverts (BSO) qui peuvent monter jusqu’à 45 km mais ne peuvent pas voler plus de quelques jours.

Les BSO peuvent transporter de très lourdes charges, jusqu’à plus d’une tonne. Mais il faut pour cela d’énormes ballons de 800 000 m3 et 80 m de diamètre !

Les ballons pressurisés (BP) sont de plus petite taille. Leur l’enveloppe, fermée, est complètement étanche. Ils s’élèvent moins haut (environ 20 km) mais peuvent voler pendant plusieurs mois pour étudier des courants atmosphériques ou des phénomènes météorologiques dans une zone géographique précise.

Les ballons stratosphériques sont les seuls véhicules capables de voler dans l’atmosphère terrestre, entre 20 et 40 km d’altitude.

Pilotage et récupération

Il ne faut pas croire que les aérostats flottent à leur guise au gré des vents !

Ils sont manœuvrés par des ingénieurs qui communiquent avec l’engin depuis le sol. Le ballon se pilote comme un véhicule à voile.

Les opérateurs le font monter et descendre pour le placer dans des vents dont la force et la direction les intéressent. Pour le faire monter, ils lâchent du lest.

C’est-à-dire qu’ils allègent le ballon en relâchant des micro-billes en acier (1 mm de diamètre) contenues dans un bac.

Pour le faire descendre, les pilotes commandent l’ouverture d’un petit clapet au sommet de l’enveloppe de l’aérostat, ce qui libère l’hélium.

Une fois les mesures scientifiques effectuées, les ballonniers commandent le décrochage de la nacelle. Celle-ci redescend sur terre sous 3 parachutes, et arrive au sol à la vitesse de 5 mètres/seconde. Mais les ingénieurs doivent auparavant calculer le point de chute.

D’abord pour éviter qu’elle ne tombe dans une zone habitée, mais aussi pour que les scientifiques puissent récupérer les instruments qu’elle contient.

La nacelle est ensuite réutilisée pour d’autres vols. L’enveloppe, elle aussi récupérée, est recyclée.

La recherche continue

L’enveloppe des ballons est en polyéthylène, comme les sachets de supermarchés.

Elle est souple et robuste, malgré sa finesse, de l’ordre de 15 micro-mètres d’épaisseur pour les plus grandes.

Des sangles, plus ou moins élastiques, relient la nacelle à l’enveloppe.

Aujourd’hui, les ingénieurs du CNES poursuivent leurs recherches pour concevoir des ballons encore plus légers, plus sécurisés et plus performants.

Dernière amélioration en date, les nacelles NOSYCA, dans lesquelles tous les équipements qui assurent la manœuvre du ballon ont été doublés.

Ainsi, en cas de panne de l’un des appareils, son double prend le relais. Et les opérateurs peuvent le ramener au sol sans problème.

Les ballons partent en campagne

Les vols de ballons sont organisés sur des missions de plusieurs jours que l’on appelle des campagnes. A l’image de Strato-Science, une campagne organisée par le CNES au Canada à l’été 2014. Il s’agissait de réaliser des mesures de l’atmosphère, mais aussi tester, en conditions réelles, des nouveaux systèmes.

Votre mission, si vous l'acceptez...

Strato-Science, une campagne scientifique d’étude de l’atmosphère, a eu lieu à l’été 2014 à Timmins au Canada.

Plus de 4 ans de préparation ont été nécessaires pour développer les nouvelles nacelles NOSYCA (page2), et un an pour sélectionner les expériences qui allaient être menées.

Ce sont en effet les besoins des scientifiques qui déterminent le déroulement de la mission. Sans oublier la finalisation des installations de la nouvelle base de lâchers de ballons de Timmins.

Celle-ci a été construite par le Canada, en collaboration avec la France.

Le CNES profite des infrastructures, et assure en échange aux scientifiques canadiens des vols dans la stratosphère. Pour les scientifiques français, les vols sont financés par le CNES.

Les autres Européens doivent participer à hauteur des frais matériels, entre 200 000 € et 300 000 € par vol.

Sur le pont pendant 2 mois

En juillet 2014, le CNES est arrivé à Timmins avec 12 containers de matériel : les ballons, les nacelles, le matériel informatique, les antennes…

La campagne Strato-Science a mobilisé pendant l’été une vingtaine d’ingénieurs et 90 scientifiques de nationalités différentes. 6 semi-remorques d’hélium ont été nécessaires pour le gonflage des enveloppes.

En tout, sept vols ont été réalisés avec succès, chacun dédié à une nacelle différente embarquant un ou plusieurs instruments.

Il a fallu plusieurs vols pour répondre aux besoins des scientifiques : certains astronomes voulaient observer le ciel de jour, des physiciens voulaient eux pointer la lune et donc voler de nuit…
Strato-Science a aussi permis de tester le nouveau système NOSYCA développé par le CNES.

La sécurité avant tout

Faire voler des ballons de plusieurs dizaines de kilos, hauts de dizaines de mètres, nécessite de prendre quelques précautions.

Et déjà d’obtenir le feu vert des autorités aériennes. Les responsables des campagnes doivent préciser à quel endroit et à quel moment s’élèveront les ballons.

Les avions n’auront pas le droit de traverser ces cylindres verticaux pendant quelques minutes. Idem pour la redescente de l’enveloppe et de la nacelle.

Il faut aussi faire attention aux populations au sol. C’est pourquoi le CNES a choisi des bases de lancement dans des zones peu habitées, comme Timmins au Canada ou Kiruna en Suède.

Des études sont aussi menées pour améliorer la précision d’atterrissage.