20 Janvier 2015

Aptes pour l'espace

Chambres à vide, anéchoïques, simulateurs en tout genre. Des moyens d'essais parfois impressionnants par leur taille sont nécessaires pour qu'une fois dans l'espace, les systèmes spatiaux remplissent leurs missions.

Un environnement hostile

Des températures extrêmes, une quasi-absence de pression et de force de gravité, des flux de particules, des rayonnements électromagnétiques… L’environnement de nos engins spatiaux n’est décidément pas accueillant.

Un coin pas si tranquille

Il ne fait pas bon vivre au-delà de l’atmosphère ! Si les conditions qui y règnent sont hostiles à l’être humain, elles le sont aussi pour les machines que l’on place en orbite, que l’on expédie dans l’espace ou que l’on pose sur des comètes ou des astres.

Les engins spatiaux sont soumis à des températures extrêmes. Sur Mars, les rovers Spirit et Opportunity ont dû évoluer dans une ambiance entre -110°C et +10°C.

Pire, juste au-dessus de nos têtes, les satellites en orbite sont confrontés à des écarts de température allant de -150°C à +150°C selon qu’ils sont à l’ombre de notre planète ou exposés au Soleil.

Ceux situés en orbite basse (entre 400 et 800 km du sol) passent même d’une extrême à l’autre jusqu’à 15 fois par jour !

Et que dire des sondes qui volent vers notre étoile ? Solar Orbiter, dont le lancement est prévu pour 2017, devra ainsi affronter des températures de plusieurs centaines de degrés.
 

Faire le vide

L’Espace se caractérise également par le vide.

Du néant, ça ne peut pas être bien méchant ? Détrompez-vous : le vide est synonyme d’une très faible pression.

Sur Terre, il règne une pression moyenne de 1,013 bar, ou 1013 millibars (mbar). Dans l’espace, c’est 10-8 à 10-10 mbar, soit plusieurs milliards de fois moins que chez nous.

Pour ne pas que les engins éclatent, leur pression intérieure doit être la même que celle de leur nouvel environnement, c’est-à-dire sous vide.

Mais ce n’est pas tout. L’absence de pression oblige à utiliser des produits spécifiques pour certaines fonctions.

Par exemple, les lubrifiants terrestres se vaporisent dans l’espace en raison de la pression trop faible. Or, sans lubrifiant, certains mécanismes ne peuvent fonctionner.

Remue-méninges

La force de gravité plus faible sur Mars ou sur la Lune pose aussi des soucis aux appareils qui doivent y atterrir.

Les rebonds du robot Philae sur la comète "Tchouri " en sont l’illustration. Avant d’atterrir, tous les engins doivent d’abord décoller de notre planète. Ce qui est loin d’être un voyage de tout repos.

La poussée et le décrochage des différents étages d’un lanceur secouent sévèrement ses passagers ! C’est comme être mis dans un shaker à pleine puissance.

Enfin, dans l’Espace, les engins sont soumis à toutes sortes de rayonnements (solaire, cosmique), de particules chargées (électrons et protons) et d’émissions de radiofréquences depuis la Terre ou les autres satellites en orbite.

Chaque composant, chaque équipement, chaque matériel, doit être minutieusement testé avant son départ.

D’autant qu’une fois dans l’Espace, il n’est plus possible de les régler ou de les réparer. Des équipes du CNES ou de leurs partenaires, comme Onera et Intespace mènent donc des essais mécaniques, électromagnétiques et thermiques sur tous les équipements.

 


Décollage d'Ariane 5 (6 décembre 2014) par CNES

 

 

Attention, ça va secouer !

Ca secoue au lancement pour atteindre ensuite un environnement sans pression, ni force d’attraction. Il est nécessaire de vérifier que chaque parcelle des engins tiendra le choc et fonctionnera sans accroc.

 

Décollage explosif

Envoyer des engins en orbite ou dans l’espace n’est pas une mince affaire. Le satellite, la sonde ou le rover doivent jouer les passagers dans ce qu’on appelle un lanceur. Autrement dit une fusée. Celle-ci doit être très puissante pour pouvoir s’arracher de la force d’attraction terrestre.

Tout le temps du vol, l’engin embarqué est soumis à de rudes secousses.

Mais ce n’est pas tout. Un lanceur se compose de plusieurs étages qui assurent la propulsion à différents moments du vol.

Or, lorsque les réservoirs de carburant d’un étage sont vides, ils sont largués. Pour les détacher du corps du lanceur, on utilise des explosifs : la séparation est violente.


La pyrotechnie - Le fil d'Ariane, ep. 7 par CNES

 Des tests bien frappés

Pour vérifier que l’engin va sortir indemne de toute cette brutalité, on réalise des essais de résistance aux vibrations et aux chocs.

On utilise pour cela des « pots vibrants », des bancs de tests sur lesquels on pose des éléments, pesant de quelques grammes à plusieurs tonnes.

Un dispositif électromagnétique produit alors des vibrations. Pour les chocs, les ingénieurs utilisent des « béliers ». Ce sont des masses qui frappent horizontalement des plaques sur lesquelles sont fixés les éléments à tester.

Par ailleurs, des explosifs peuvent aussi être utilisés en salle d'essais.

Après le décollage, les ennuis ne sont pas terminés. L’absence de pression dans l’espace vaporise certains composants, comme les lubrifiants. Il faut donc les tester au préalable. Il faut également vérifier que la pression à l’intérieur de l’engin chute pendant le lancement.

Ceci pour éviter que la différence de pression ne déforme certains éléments de l’engin. Pour reproduire ces conditions, les ingénieurs utilisent des chambres à vide.


Insight : un sismomètre dans la tourmente par CNES

 Ne lâche rien !

Pour évaluer les matériels sous des forces d’attraction quasi-nulle, les ingénieurs du CNES disposent de plusieurs moyens d’essai. A commencer par l’avion Airbus Zéro-G qui offre des phases de 15 à 20 secondes d’apesanteur plusieurs fois par vol.

Le déploiement des éléments de grande taille, comme les panneaux solaires des satellites, nécessitent d’autres équipements.

Ces panneaux sont repliés lors du lancement pour rentrer dans la coiffe de la fusée. Or, les mécanismes de déploiement mis en œuvre sont peu rigides, très léger et de très faible puissance car ils sont prévus pour être utilisés en impesanteur.

« Les déployer au sol sans précaution serait risqué à cause de la force d’attraction », explique Philippe Guay, expert senior plateforme de télécommunications au CNES et ancien responsable service mécanismes.

« Nous utilisons donc des filins fixés au plafond, des ballons d’hélium ou des coussins d’air pour soutenir les panneaux ».

Tous ces tests visent à valider trois points : le fonctionnement, les performances et la tenue à ces environnements extrêmes.

Les tests sont effectués à tous les stades de la construction. Sur les matériaux et les composants d’abord, puis sur les assemblages de ces éléments (équipements, instruments) et enfin, sur l’engin dans son intégralité. Cela prend des semaines.

Sur la bonne longueur d'ondes

Pour remplir leur mission, les engins spatiaux doivent pouvoir communiquer avec la Terre par ondes électromagnétiques, tout en résistant aux bombardements de particules chargées électriquement. Des interférences à contrôler.


Tu captes ?

Allô la Terre ?

Imaginez le désastre si, une fois en orbite, un satellite de communication... ne communiquait pas, ou envoyait ses données dans la mauvaise direction.

Pour s’assurer du bon fonctionnement des émissions de radiofréquence d'un engin, il est donc indispensable de réaliser des tests sur ses antennes et de vérifier leur puissance, avant de l’expédier à 36 000 km du sol, voire au-delà pour les sondes et les rovers.

Stop à l'écho !

Pour ce faire, les ingénieurs disposent d’une chambre anéchoïque.

Les parois de cette salle sont recouvertes de petites pyramides qui absorbent les ondes sonores et électromagnétiques émises par les antennes.

Grâce à cela, les mesures ne sont pas perturbées par des retours d’ondes, autrement dit par l’écho.

C'est comme si l’engin était dans l’espace. Le CNES possède une chambre anéchoïque.

Dans cette immense pièce, on vérifie que le rayonnement de l'antenne restera suffisamment puissant sur des milliers de kilomètres et que le signal ne se disperse pas.

Des tests s’assurent également que l’engin recevra bien les informations qui seront émises depuis la Terre.

 

BCMA HD from CNES Education on Vimeo.

Particules fatales

Les véhicules spatiaux émettent et reçoivent des ondes.

Malheureusement, ils reçoivent également des particules chargées électriquement. Ces particules, des électrons et des protons, proviennent du Soleil.

« L’accumulation de ces charges peut générer des décharges électrostatiques, c’est-à-dire des arcs électriques, qui mettent en danger le matériel électronique », explique Philippe Guay, expert senior plate-forme de télécommunications au CNES.

Les protons étant des particules avec plus d’énergie, ils pénètrent même à l’intérieur des engins. « Cela peut perturber le fonctionnement des ordinateurs et générer des erreurs de calculs qui peuvent mettre en péril la mission, pointe l’ingénieur.

Pire, les protons peuvent faire fondre des morceaux de pistes de carte électronique et engendrer un court-circuit fatal au matériel.

La sensibilité de ces équipements est testée à l’aide d’un irradiateur qui simule la charge électrique, ou d’un accélérateur de particules, notamment pour les protons.

Ils soufflent le chaud et le froid

Les satellites, sondes et rovers doivent remplir leur mission par des froids de canard et des chaleurs d’enfer. Auparavant, on va les faire passer au « four » et au « frigo ».


Chaud devant !

Les engins spatiaux ont à subir des températures extrêmement froides ou extrêmement chaudes, parfois les deux.

Il ne suffit pas de les emmitoufler dans des structures super-isolantes, comme ces matériaux d’aspect doré qui revêtent les satellites, pour les protéger.

En effet, la thermique - science qui traite des transferts de chaleur - de ces engins est bien complexe, comme l’explique Richard Briet, responsable du service thermique au CNES : « les composants électroniques à l’intérieur d’un satellite, par exemple, émettent de la chaleur. Pour éviter qu’elle ne s’accumule à l’intérieur et ne détériore les instruments, il faut l’évacuer. C’est le rôle de radiateurs qui rayonnent vers le « fond du ciel » [l’espace interplanétaire, NDLR] ».

De plus, a bord d'un même engin spatial, certains boîtiers électroniques ne vont fonctionner qu’entre -10°C et +50°C quand une batterie devra être conservée au minimum à +20°C ou le système de propulsion au-dessus de 0°C, alors qu’un détecteur infrarouge devra rester en-deçà de -200°C !

Pas facile de maintenir la bonne température. C’est le rôle des radiateurs d'une part et des composants réfrigérant de l'autre.

Au degré près

« Nous réalisons deux types de tests », détaille Richard Briet, « la balance thermique pour s’assurer que l’équipement restera bien dans la gamme de température visée, dans des conditions représentatives du vol… Et le cyclage thermique pour vérifier que le matériel n’a pas de défaut de fabrication et qu’il tiendra dans le temps » .

Au CNES, les essais de balance thermique s’effectuent le plus souvent dans une chambre à vide de 2m³ où la pression sera réglée selon que l'on teste des ballons sondes, des engins planétaires, ou des satellites.

Les parois internes de la chambre sont couvertes d’un écran noir réfrigéré à l’azote liquide (jusqu’à -190°C) pour reproduire le « fond de ciel » qui absorbe la chaleur rejetée par les radiateurs d'un engin.

La chambre dispose aussi d’un soleil artificiel constitué d’une lampe au xénon qui développe une puissance équivalente à celle d’une fois et demie celle du soleil, à savoir 2000 W/m².

Patience et résistance

Les tests de cyclage thermique sont généralement réalisés dans une chambre à vide plus petite, sans soleil artificiel, ni écran d’absorption.

Il s’agit de faire le vide et de faire monter ou baisser la température à plusieurs reprises.

Parfois, pour des raisons économiques, ces stress thermiques sont effectués dans de gros fours appelés étuves thermiques.

L’ensemble de ces procédures est très long. Pour un satellite, avec tous ses équipements, les tests durent en moyenne 3 semaines en continu, 24h sur 24, et mobilisent quelques dizaines de personnes se succédant jours et nuits.

Une cadence infernale, tout comme les températures rencontrées par les engins spatiaux.