31 Octobre 2009

Picard va tirer le portrait du Soleil

Et nous éclairer sur la façon dont il influence notre climat

Picard, le soleil et nous

Depuis 4,5 milliards d’années, le Soleil nous fournit sa lumière. Il n’empêche, c’est un astre variable qui a parfois ses sautes d’humeur : il n’est pas toujours aussi rayonnant. Une variabilité que l’on m’a chargée d’étudier. Moi, la mission Picard…

Qui suis-je ?

Picard : Je suis une mission spatiale née en 1998.

Mon nom vient de Jean Picard, le premier astronome français à mesurer le diamètre du Soleil, il y a 400 ans.

Mon objectif est le même sauf que moi, j’obtiendrai de meilleures mesures grâce au lancement de mon satellite dans l’espace.

Pour cela, il a fallu qu’un laboratoire français, le LATMOS, définisse précisément mon plan de travail ; que nos voisins belges et suisses développent des instruments adaptés à mes objectifs ; que des ingénieurs et techniciens du CNES conçoivent le satellite puis assemblent tous les équipements et instruments.

Ça y est, tout est enfin bouclé ! Le lancement, prévu au printemps 2010, est programmé pour le 15 juin.

Mes objectifs ?

Vous l’avez compris : je m’intéresse au diamètre de notre étoile. Ou plus exactement à ses variations.

Car oui, le diamètre du Soleil varie et on ne sait pas exactement pourquoi…

En tous cas, ces variations semblent liées aux modifications d’activité du Soleil, autrement dit, à sa puissance.

Par conséquent, les variations du diamètre pourraient bien avoir un impact sur notre climat terrestre !

En suivant précisément ces variations, les scientifiques pourront en savoir plus sur le fonctionnement de notre étoile et à terme, ils pourront peaufiner les modèles climatiques qui prévoient l’évolution du climat terrestre.

Trois ans de service, au minimum !

Une fois dans l’espace, mon satellite va tourner autour de la Terre tout en restant pointé sur le Soleil pendant au moins trois ans.

Tous les jours, il transmettra les données recueillies par ses instruments à l’une des cinq stations de réception terrestres. Les données seront alors expédiées au CNES à Toulouse, puis retransmises vers un centre de traitement situé en Belgique, avant d’aboutir chez les chercheurs de l’équipe Picard, en France mais également en Belgique, en Suisse, aux États-Unis,...

Une fois la mission terminée, mon satellite rentrera progressivement dans l’atmosphère, où il sera détruit par le frottement de l’air. Ça fera, je l’espère, une belle étoile filante !

Un équipement du tonnerre

Mesurer le diamètre du Soleil n’est pas une mince affaire : il s’agit en effet d’une boule de gaz aux frontières incertaines.

Mais je devrais y parvenir grâce à SODISM, l’instrument conçu par l’équipe du LATMOS.

Avec son télescope, son système de filtres et sa caméra numérique, il captera régulièrement des images de notre astre.

SOVAP, l’instrument développé par les Belges, fournira une mesure de l’énergie dégagée par le Soleil grâce à son radiomètre (glossaire).

PREMOS, l’instrument suisse, fera également cette mesure : deux valent mieux qu’une ! Mais il donnera aussi l’énergie délivrée par chaque type de rayons solaires.


Le 15 juin prochain le CNES mettra en orbite le satellite Picard. Sa mission : étudier la structure interne de notre étoile et ses sautes d'humeurs, car le Soleil ne brille pas toujours avec la même intensité... (Extrait du Journal de l'Espace - Juin 2010). Crédits : CNES.

En savoir plus :

  • "Soleil, mythes et réalités", une exposition en ligne sur le site de la Cité des Sciences

Epluchons le Soleil, du coeur à la surface

Les photons que Picard va traquer ont un sacré bout de chemin à faire avant d’arriver à la surface du Soleil et de le faire briller : environ 700 000 km ! Description d’un long parcours.

Le coeur brûlant ou zone radiative

Au cœur du Soleil, un gaz, l’hydrogène, est comprimé et chauffé à 15 millions de degrés Celsius !

Du coup, il se transforme en un autre gaz, l’hélium, et libère son trop plein d’énergie en grains de lumière : les photons.

Pour rejoindre la surface, ces malheureux traversent une couche dite radiative de 300 000 km qui est semée d’embûches.

Comme dans un jeu de billard, les photons se cognent sans cesse à d’autres particules. À chaque collision, ils sont absorbés puis relâchés sous la forme de deux photons moins énergétiques que le premier.

Autant vous dire qu’à la sortie de cette zone radiative, ils sont méconnaissables tant ils ont perdu d’énergie !

La zone convective en ébullition

Une fois franchie la zone radiative, nos photons doivent encore traverser environ 200 000 km avant de pouvoir s’échapper du Soleil.

Durant la traversée, les conditions deviennent très différentes.

La température, qui a déjà dégringolé à 2 millions de degrés Celsius (°C), continue de baisser pour atteindre en fin de parcours 5 500 °C.

Au cours de ce trajet, les choses se passent un peu comme dans une casserole d’eau bouillante, sauf que l’eau est remplacée par un plasma d’électrons, de protons, de photons et de diverses particules.

Des grosses bulles de plasma remontent ainsi vers la surface, se refroidissent, puis replongent vers le fond.

Une photosphère rayonnante

Parvenu en surface, le plasma laisse s’échapper les photons, autrement dit les grains de lumière que nos yeux peuvent voir.

Ils se trouvent dans la photosphère, la couche brillante du Soleil. Ces photons n’ont plus grand-chose à voir avec ceux qui sont nés au cœur du Soleil, des centaines de milliers, voire des millions d’années plus tôt.

On trouve encore quelques rescapés pleins d’énergie (photons gamma, bêta ou X) qui ont échappé aux transformations de la zone radiative.

Mais les plus nombreux sont les photons des UV (ultraviolets), du visible et de l’infrarouge.

C’est à eux que la mission Picard va s’intéresser, car ce sont principalement eux qui chauffent la Terre et agissent directement sur son climat.

En surface, un puissant magnétisme

Au-dessus de la photosphère, quel chamboulement !

Non seulement la température se remet à grimper jusqu’au million de degrés Celsius, mais en plus, il y règne un champ magnétique énorme, qui agit comme un aimant sur toutes les particules.

On pense qu’il provient des frottements entre couche convective et couche radiative.

Il est 10 000 fois plus puissant que sur Terre, notamment au-dessus de ce qu’on nomme les tâches sombres.

Dans ces régions, le champ magnétique crève la photosphère en remontant de la zone convective.

Son intensité agit comme une muraille et empêche le plasma de remonter.

Résultat : les grains de lumière - ou photons -, transportés par le plasma ne peuvent pas sortir, ce qui donne à la place des taches sombres!

En savoir plus :

  • "Soleil, mythes et réalités", une exposition en ligne sur le site de la Cité des Sciences

Des sautes d'humeur sous surveillance

Périodiquement, l’activité de notre astre s’emballe ou ralentit. Il y a des tas de manière de le constater : avec ses vibrations, ses taches, ses jets de matière, voire avec le fameux diamètre que Picard va mesurer…

Le soleil vibre

En bouillonnant dans la zone convective, le plasma engendre des vibrations qui font trembler le Soleil tout entier.

Toutes ne se propagent pas de la même façon.

Pour le moment, on connaît assez bien celles qui rebondissent sous la surface, dans la région la plus superficielle de la zone convective.

Picard, lui, s’intéressera à toutes ces vibrations en observant les variations du rayonnement solaire et du diamètre solaire.

Cela permettra de décrire plus finement ce qui se passe dans la zone convective, par exemple, les vitesses de remontée ou de plongée du plasma. Et donc de mieux comprendre pourquoi notre astre ne rayonne pas toujours de la même manière.

Les taches de Sa Majesté

Tous les onze ans, le nombre de taches sombres observées à la surface du Soleil passe par un maximum.

Paradoxalement, plus il y a de taches, et plus notre astre rayonne : le cœur des taches est froid et noir, mais il s’entoure d’une multitude de petites plages très chaudes qui brillent plus que le reste du Soleil.

On les suit à la loupe pour apprécier l’activité de notre astre depuis le XVIIe siècle.

Mais les astrologues chinois les avaient découvertes il y a 2 000 ans !

Si les taches sombres ne sont pas l’objectif numéro 1 de la mission Picard, en prenant des images du Soleil toutes les 40 minutes, enregistrera forcément l’apparition de taches.

Car l’activité de notre étoile devrait entamer un nouveau cycle précisément lors du lancement de la , pré vu au printemps 2010.

Dangereuses éruptions

Si le Soleil se couvre de taches quand son activité est au maximum, il se met aussi à cracher des tonnes de particules et de photons bourrés d’énergie.

Ces éruptions solaires peuvent faire de sacrés dégâts sur Terre : leurs photons (rayons X et extrême ultraviolet) sont susceptibles d’endommager nos réseaux électriques, nos satellites et nos systèmes de communication (radio, télévision, téléphone mobile, GPS…).

Du coup, les mesures de la mission Picard ourraient s’avérer très utiles.

En surveillant l’activité de notre étoile, ses instruments permettront de donner l’alerte à temps : on estime qu’il faut trois jours aux particules expulsées pour atteindre la Terre.


Black out sur la ville

Ascenseurs arrêtés entre deux étages, extinction de toutes les lumières, feux de signalisation en panne … Pourquoi la ville de Montréal a-t-elle connu un black-out électrique total de plusieurs heures en 1989? L'explication doit être cherchée à 150 millions de kilomètres de la Terre, du côté du Soleil. Sans crier gare, il arrive à notre étoile d’expulser des tonnes de particules potentiellement nuisibles, capables de provoquer des dégâts importants dans les systèmes électriques au sol. © CNRS

L'énigme du diamètre variable

Le diamètre solaire est-il à la hausse, ou à la baisse ?

Devient-il plus grand quand l’activité du Soleil augmente, ou quand elle diminue ? Pour le moment, personne ne peut le dire.

Car depuis les premières observations de Jean Picard, les résultats sont contradictoires.

Cela s’explique sans doute par la variété des méthodes et des instruments utilisés.

Mais surtout, toutes ces mesures ont été faites depuis la Terre, or la lumière solaire en traversant l’atmosphère a déformé l’image du Soleil !

Avec son satellite à 725 km d’altitude, la mission Picard devrait enfin permettre d’y voir plus clair.

En savoir plus :

  • Voir le soleil en 3D grâce à Stereo, une mission d'étude du soleil de la NASA