25 Janvier 2010

Un lanceur, comment ça marche ?

L'essentiel sur le fonctionnement de cette machine phénoménale, indispensable pour placer des satellites en orbite.

Quitter la Terre

Depuis longtemps, les hommes ont rêvé de quitter la Terre, imaginant pour cela les moyens les plus farfelus mais aussi les plus ingénieux. Au milieu du 20e siècle, le rêve est devenu réalité avec l’apparition du premier lanceur.

Tous les objets de l’Univers s’attirent entre eux, celui qui a la plus forte masse amenant l’autre à lui.

C’est la loi universelle de la gravitation. C’est elle qui maintient les planètes en bon ordre autour du Soleil, c’est aussi elle qui fait  que nous gardons nos pieds sur Terre.

Ce phénomène s’atténue lorsqu’on s’éloigne de l’objet massif.

Ainsi, tous les 32 km au-dessus du sol, l’attraction terrestre diminue de 1%. Vers 400 km d’attitude, elle a perdu 10 % de sa valeur.

S’arracher à l’attraction terrestre et vaincre la résistance de l'air nécessite donc de développer beaucoup d’énergie et une vitesse 100 fois supérieure à celle d’un TGV.

C’est le cas du lanceur, la seule machine capable de remplir ces conditions.

Son rôle est donc de donner une vitesse suffisante au satellite pour qu'il reste en orbite autour de la Terre et "tombe" ainsi en permanence autour d'elle, attiré par sa gravité.

Petite leçon de vocabulaire

Fusée… lanceur… ces deux termes sont régulièrement utilisés pour désigner l’engin spatial capable de s’arracher à la pesanteur. On peut utiliser le premier, terme du langage courant. Mais les scientifiques préfèrent employer le second.

Car la mission principale de ces engins est de lancer des satellites pour les placer en orbite.


Action...réaction !

Comment une fusée comme Ariane décolle-t-elle du sol ?
Explication d'Alain Souchier, ingénieur à la SNECMA.

Le simple fait d'éjecter vivement des projectiles suffit, à condition que le frottement du véhicule sur le sol soit faible, à créer un déplacement. Dans un moteur-fusée, les projectiles sont des molécules gazeuses éjectées à grande vitesse et en grande quantité.
© Jean-Pierre Penot et Bernard Nicolas

La course à l’espace

Au 19e siècle, l’inventeur russe Tsiolkovski imagine le principe d’une fusée propulsée par réaction pour atteindre l’espace.

En 1926, c’est au tour d’un Américain, Goddard, de fabriquer le tout premier lanceur à propergol.

30 ans plus tard, les événements s’accélèrent : les Russes lancent Zémiorka, qui place le tout premier satellite en orbite, Spoutnik, puis la chienne Laïka, première passagère de l’espace et enfin Youri Gagarine, premier Homme dans l'espace.

Les Américains suivent un an plus tard avec le lancement de Jupiter.

La France est la troisième puissance mondiale à entrer dans la course à l’espace avec le lanceur Diamant, en 1965.


La saga des fusées européennes

Dans la course à l'espace entre Soviétiques et Américains, la France et l'Europe ne sont pas restés simples spectateurs. Retour sur les débuts du programme spatial français.
Extrait du Journal de l'espace - Octobre 2007

En savoir plus :

Une citerne volante

Pour fonctionner, les moteurs ont besoin d’une matière à brûler (comme l’hydrogène) et d’oxygène pour faire brûler cette matière. Mais dans le vide spatial, pas d’oxygène… Les lanceurs emportent donc un carburant spécial fusée appelé propergol. Il est constitué d’un ergol qui brûle (le combustible) et d’un ergol qui fournit l’oxygène (le comburant).

90% de carburant

Le lanceur doit produire une très grande quantité d’énergie pour pouvoir décoller et placer des charges utiles en orbite.

Pour cela, il embarque une très grande quantité d’ergols. C'est aux ergoliers à qui revient la délicate tâche d'alimenter Ariane et ses satellites en ergols.

Les ergols constituent à eux seuls 90% du lanceur : les 10% restant représentant la structure (9%) et le satellite à placer en orbite, appelé charge utile,  (à peine 1% !).

Au lieu d’un réservoir unique qui alourdirait son poids tout au long du vol, les scientifiques ont eu l’idée de superposer différents réservoirs.
Ainsi, le lanceur s’en débarrasse en les éjectant au fur et à mesure que leur contenu est brûlé.

Ainsi, de plus en plus léger, il gagne encore en vitesse.

Cette superposition de réservoirs explique pourquoi on parle d’« étages » dans la composition d’un lanceur.

Selon le type de lanceur, ces étages contiennent des réservoirs et un ou plusieurs moteurs.

Deux types d'ergols

Les ergols solides ou poudres, ressemblent à une pâte caoutchouteuse, où combustibles et comburants sont mélangés. Faciles à stocker et à manipuler, ils délivrent rapidement une forte poussée à partir d’une masse et d’un volume réduits. Ils sont donc souvent utilisés au décollage. Seul inconvénient : il est impossible de les éteindre une fois allumés. Pour cette raison, il est impossible de stopper le décollage d’une fusée encore sur le pas de tir.

Les ergols liquides sont soit stockables, soit cryotechniques. Stockables, leurs composés se conservent facilement à température ambiante. Ils s’enflamment spontanément dès que combustibles et comburants se rencontrent, facilitant ainsi l’allumage des moteurs.
Cryotechniques, leur stockage est très compliqué. Souvent constitués d’hydrogène et d’oxygène liquides, ils doivent être conservés à très basse température. Leur manipulation est donc très délicate, les matériaux utilisés sont limités. L’hydrogène étant de plus très peu dense, les réservoirs doivent être volumineux et les turbopompes puissantes pour obtenir les pressions et débits voulus. En contrepartie, ils sont très performants : ils génèrent des gaz très chauds, éjectés 50% plus vite qu’avec d’autres ergols, permettant ainsi un gain de consommation.

Les ergoliers, pompistes de l'espace

Les ergoliers sont équipés d'un scaphandre relié par un cordon de 30 mètres, d'une VHF intégrée dans le casque et d'un réseau d'air autonome pour faire le plein du lanceur Ariane en ergols

Soumis à des normes de sécurité très strictes, ils interviennent en amont et en aval d'un remplissage.

Réceptionnant l'ergol après son transport en mer, ils analysent tout d'abord la teneur du produit.

Après prélèvement, ils réalisent, en tenue étanche, le dépotage des conteneurs. Quand il part au stockage, le produit est encore en phase dynamique.

C'est seulement à J-1 que la chronologie de remplissage débute : d'abord le 2ème étage puis le 1er étage, enfin les propulseurs d'appoint.

Une machine à gaz

Pour se déplacer, il est nécessaire de s’appuyer sur un support (par exemple le sol) ou la résistance d’un fluide (l’eau, l’air…).

Le lanceur ne fait ni l’un ni l’autre, et pour cause : si c’était le cas, il ne pourrait fonctionner dans l’espace où il n’y a ni sol, ni eau, ni air…

Il fonctionne selon le principe de l’action-réaction, le même principe qui fait s’envoler un ballon de baudruche gonflé qu’on lâche sans en avoir noué la base.
La force créée par l’éjection de l’air contenu dans le ballon (action) le propulse dans la direction opposée (réaction).

C’est la même chose avec les gaz produits par la réaction chimique née du mélange des ergols. Ces gaz sont envoyés dans une tuyère, sorte de machine à accélérer les molécules gazeuses. Elle les éjecte violemment et en grande quantité propulsant ainsi puissamment le lanceur dans la direction opposée.

Une fusée comme Ariane 5 est encadrée par deux énormes propulseurs à poudre, les EAP (Etages d'accélération à poudre), chargés de délivrer la phénoménale énergie nécessaire au décollage.

Une fois utilisés, ils retombent dans l’océan Atlantique.

L’étage principal (EPC, Etage Principal Cryotechnique), allumé lui aussi au décollage, prend alors le relais pour permettre au lanceur d'acquérir de plus en plus de vitesse. Il retombe également dans l’océan, mais cette fois-ci Pacifique.

C’est au tour de l’étage suivant (EPS, Etage à Propergol Stockable) : sa mission n’est plus de gagner de l’altitude mais d’atteindre la vitesse nécessaire à la satellisation.

Une fois sa tâche accomplie, il reste en orbite pendant 4 mois puis retombe dans l’atmosphère terrestre où il est désintégré.

Qui pilote ?

Qu’il emporte ou non des passagers, le lanceur fonctionne toujours de manière automatique. Aucun pilote ne prend les commandes de cet automate géant pendant la traversée de l’atmosphère.

Un cerveau électronique

Même dans le cas d’un vol habité, c’est un puissant ordinateur situé dans la case à équipements, qui contrôle la trajectoire du lanceur pendant la phase de propulsion.

Pour cela, il exécute la programmation entrée par les ingénieurs.

Le cerveau électronique de la fusée compare la trajectoire réelle avec la trajectoire prévue : c’est le guidage.

La trajectoire doit être d’une grande précision. S’il est nécessaire de la corriger, l’ordinateur modifie alors l’orientation des tuyères du lanceur : c’est le pilotage.

Cette intervention sur les tuyères dévie les jets de gaz de combustion. Cela remplace le pilotage aérodynamique (avec des ailerons), impossible à mettre en œuvre dans le vide spatial puisque l’air en est absent.

À bord

Dans le cas d’un vol habité, et seulement une fois arrivés dans l’espace, les spationautes peuvent prendre les commandes d’un vaisseau spatial.

C’est le cas pour la navette américaine ou le vaisseau russe Soyouz, pour lesquels les spationautes participent aux manœuvres et dont ils contrôlent les mouvements.

Le pont supérieur, ou poste de pilotage, de la navette Columbia par exemple, est de dimension et de configuration semblables à celles d'une cabine de pilotage d'un avion gros porteur.

Il comporte deux sièges de pilote fixés en permanence et faisant face aux commandes principales et aux étroits hublots avant. Le poste de pilotage est pratiquement tapissé de boutons et d'interrupteurs.

En fait, le pont supérieur de la navette présente plus d'interrupteurs sous tension qu'il n'y a de pièces dans une voiture de taille moyenne !


Le fil d'Ariane - Episode 1

 

En savoir plus :

  • Télécharger le podcast de Jean-François Clervoy, sur le site de Ciel & Espace Radio, sur le pilotage de la navette américaine

5, 4, 3, 2…


Le jour J est arrivé. La fusée est sur le pas de tir. Bientôt, retentira le compte à rebours du lancement. Mais plusieurs années de fabrication et un mois entier de préparatifs (la campagne de lancement) ont été nécessaires…

La campagne de lancement

Elle se déroule en plusieurs étapes, durant 22 jours. L’étage principal et les éléments de la partie supérieure du lanceur européen Ariane sont construits en Europe.

Après deux semaines de voyage en bateau, ils rejoignent les deux propulseurs à poudre sur la base de Kourou, en Guyane.

La phase d’intégration commence : les différentes parties du puzzle sont assemblées et consciencieusement contrôlées.

Chaque mission Ariane commence dans le Bâtiment d’Intégration Lanceur (BIL).

Pendant deux semaines, le lanceur y est minutieusement assemblé directement sur sa table de lancement.

Le lanceur est ensuite transporté jusqu'au Bâtiment d'Assemblage Final (BAF) ou à J-8, le satellite et la coiffe sont installés au sommet du lanceur.

Jour J

C’est le moment du remplissage de l’étage principal.

Les dernières vérifications sont effectuées puis la zone est évacuée dans un rayon de 3 km.

Car le décollage va produire un bruit assourdissant, bien plus que l’oreille humaine ne pourrait tolérer, et les gaz et la chaleur qu’il dégagera sont insupportables.

Les opérations vont être maintenant dirigées depuis la salle de contrôle du centre de lancement, un bâtiment protégé par un blindage.

Ho

Le compte à rebours est lancé, la fusée est devenue autonome : le seul ordre qu’elle puisse recevoir est un ordre de destruction en vol en cas d’anomalie.

5,4,3,2,1, allumage : le moteur Vulcain se met en marche.

Quelques secondes plus tard, c’est le tour des propulseurs à poudre : la fusée décolle.

En deux minutes, elle est déjà à 60 km du sol et sa vitesse avoisine les 8000 km/h !


Ariane a 30 ans

A l'occasion de cet anniversaire, revivez en images cette formidable aventure humaine et technique. Crédits : ESA/CNES/Arianespace.

En savoir plus :

  • Une animation pour sur le site du CSG