27 Janvier 2010

Astronaute : l'espace à tout prix

Sélection et entraînement des astronautes : l'affaire de quelques "happy few"

Devenir astronaute : une sélection féroce

Vous êtes scientifique, ingénieur ou tout simplement fort en maths ? Vous êtes sportif et en très bonne santé ? Vous percutez vite et aimez le travail en groupe ? Le métier d’astronaute est fait pour vous ! Mais attention, un long parcours vous attend : vous avez moins d’une chance sur 1 000 d’arriver au bout.

Des élus au compte-goutte

Il est aussi improbable d’être sélectionné pour jouer avec les Bleus que de mettre les pieds à bord de la station spatiale internationale (ISS).

En 30 ans, l’Agence spatiale européenne (ESA) n’a recruté que 23 candidats : trois en 1978, six en 1991, huit en 1998, et six en 2009.

Aujourd'hui, huit sont en exercice, parmi lesquels deux français, Jean-François Clervoy et Léopold Eyharts.

Le nombre de recrues dépend de l’évolution des programmes spatiaux européens et internationaux.

Lors de la dernière sélection, en mai 2009, environ 8 400 candidats se sont présentés.

Les neuf dixièmes ont été recalés dès examen de leur dossier…


Candidat astronaute

Les impressions de Sébastien Rouquette, ingénieur au CNES, sur la campagne de sélection d'astronautes qui s'est déroulée en 2009. Il a fait partie des 192 dossiers retenus par l'ESA (sur les quelques 8000 candidatures) mais son chemin vers les étoiles s'est arrêté là...© CNES/Canopy

Terminologie

Le terme astronaute vient du grec ástron signifiant "étoile" et nautes, "navigateur". En Russie, on parle de "cosmonaute". En Europe, on emploie parfois le mot "spationaute". Les chinois ont leur "taïkonautes"....Quelle que soit leur dénomination, ce sont toutes des personnes formées à devenir membre d’équipage pendant une mission spatiale de longue durée.

Portrait-robot de l’aspirant

Pas besoin d’être Arnold Schwarzeneger pour partir dans l’espace.

Être sportif est nécessaire mais pas suffisant.

Avoir entre 27 et 37 ans non plus. Il faut aussi prouver que vous disposez d’un solide bagage scientifique et d’un anglais irréprochable afin de pouvoir travailler avec votre équipe.

Un brevet de pilote serait un plus mais n’est pas indispensable.

Recruté en 2009 par l’ESA, Thomas Pesquet, 31 ans, est ceinture noire de judo.

Diplômé de l’École supérieur de l’aéronautique et de l’espace , il a été ingénieur au CNES et pilote chez Air France.

Raisons pour lesquelles il n’a eu aucun mal avec les tests psychomoteurs : raisonnement logique, mémoire, orientation dans l’espace, dextérité manuelle, épreuves multitâches,… seuls 192 candidats y ont résisté.

 


1ère conférence de presse des candidats astronautes

Le 20 mai 2009, au siège de l'ESA, les six candidats retenus, dont le français Thomas Pesquet, se prêtaient au jeu des questions avec la presse.

Une psychologie aux petits oignons

Les astronautes ne sont pas des cow-boys de l’espace. On leur demande surtout de savoir vivre et travailler en équipe.

Le maître mot est désormais équilibre psychologique.

Quarante-cinq candidats à la promo 2009 ont réussi à convaincre les psychologues qui ont disséqué leurs réactions : le candidat peut-il résoudre des problèmes complexes de logique ou d’organisation en binôme ou en groupe ?

Comment réagit-il sous pression ?

Que fait-il face à des questions existentielles telle que : "100 % de chance de vous en tirer en abandonnant votre coéquipier, ou bien 50 % en lui prêtant main forte : que faites-vous ?"

Psychopathe s’abstenir !

Une santé à toute épreuve

À bord de la station spatiale internationale, mieux vaut éviter de tomber malade.

Pour réduire le risque, les 45 candidats sortis "indemnes" des tests psychologiques ont été soumis à tous les tests médicaux possibles et imaginables : cardiovasculaires, osseux, ophtalmologiques, analyses de sang, IRM, écographies… afin de détecter toute faiblesse incompatible avec l’espace comme par exemple une fragilité osseuse ou des artères dilatées pouvant générer des anévrismes.

Même un check-up présidentiel est anecdotique à côté de cette batterie de tests !

22 candidats ont été déclarés aptes pour le service.

Et finalement, six "élus" ont été remarqués lors d'entretiens d’embauche avec la direction de l’Agence spatiale européenne.


Les conseils de Jean-François Clervoy

Pour tous ceux qui rêvent de devenir astronaute, Jean-François Clervoy évoque les qualités et compétences nécessaires  © CNES/Canopy

En savoir plus :

  • La sélection et l'entraînement des astronautes sur le site de la NASA (en anglais)
  • "Robonautes ou astronautes" : un débat entre Francis Rocard, astrophysicien au CNES et Michel Tognini, astronaute et chef du centre d'entraînement des astronautes à Cologne. Réalisation Cité de l'espace pour le site Universcience TV (semaine du 5 au 12 février 2010)
  • "Astronaute et jardinier" à podcaster sur le site Ciel & Espace. Une interview du responsable du projet MELISSA (de l'ESA), dont l'objectif théorique est de nourrir les astronautes tout en recyclant l'air,

 

Formation de base des astronautes : 18 mois de "classes"

Un astronaute débutant est bardé de diplômes et de compétences professionnelles. Pour autant, sa formation débute par 18 mois de cours intensifs tous azimuts. Dilettantes s’abstenir !

Retour sur les bancs de l’école

Qu’ils soient commandant de bord, astrophysicien ou spécialiste des satellites, les futurs astronautes ont tout à apprendre de l’espace.

Ils débutent leur formation par une série de cours intensifs en informatique, mécanique spatiale, science des réseaux, physique de l’atmosphère ou encore relations publiques.

À cet enseignement général s’ajoute l’apprentissage des systèmes les plus importants de la navette spatiale (trajet aller), de l’ISS et de Soyouz (la capsule russe utilisée pour le retour sur Terre).

 

Objectif : qu’un astronaute soit un ingénieur généraliste capable, à terme, de "bricoler" le matériel spatial dans toutes les circonstances.

Le russe sans peine… en trois mois

Pas question de s’envoler pour l’espace sans maîtriser sa seconde langue "officielle" (après l’anglais) : le russe.

D’où un apprentissage intensif de deux mois (6 heures de cours par jour + 2 heures de conversations + 4 à 5 heures de travail personnel), suivi d’un mois en immersion dans une famille, à Saint-Pétersbourg.

Ainsi, en un trimestre un astronaute absorbe le programme qu’un lycéen assimile en 5 ans.

Indigeste, peut-être ; mais indispensable pour être ensuite capable de tout apprendre de la capsule Soyouz, à la Cité des étoiles (Moscou)… en version originale. !

Se doter d’une forme olympique

La matière grise ne suffit pas pour séjourner dans l’ISS.

En effet, lors d’un vol spatial, muscles et ossature sont mis à rude épreuve. Si bien que d'importants entraînements sportifs sont concoctés pour préparer le corps des astronautes à ces perturbations.

Au programme : natation, musculation, assouplissements, ou encore course à pied.

Et ceci durant toute la durée de leur carrière.

L’ESA a même prévu des stages de survie en milieux hostiles terrestre et maritime pour éprouver la résistance de ses futurs astronautes.

Quant aux Russes, ils incluent dans leur entraînement un stage commando !


Les différentes phases de la formation de base des 6 spationautes sélectionnés en 2009 par l'ESA. © ESA

Isolé pendant une longue durée, sauriez-vous garder le moral ?

Se frotter à l’impesanteur : le vol parabolique

Indissociable du vol spatial : l’impesanteur, qui permet de se déplacer dans l’espace en flottant.

Pour l’éprouver sur Terre, les apprentis astronautes embarquent à bord d’avions spéciaux, tels le Boeing 707 de la NASA ou l’Airbus-Zéro G.

Une fois à 10 000 mètres d’altitude, l’engin effectue une chute libre d’environ 2 500 mètres.

Conséquence : tout ce qui se trouve à bord se met à flotter dans la carlingue.

Après une vingtaine de secondes, le pilote remet les gaz. L’exercice semble violent, mais dans l’avion il se déroule tout en douceur !

L’entraînement avancé : sur Terre comme au ciel

Avant d’être confrontés à l’espace, les apprentis astronautes doivent en maîtriser tous les aspects... depuis la Terre.

Simuler la vie à bord de la station spatiale internationale

Après les 18 mois de l'entraînement de base, les futurs astronautes entrent dans le vif du sujet.

Pendant 6 mois à un an, ils se familiarisent avec toutes les opérations qu’ils sont susceptibles de réaliser lors d’un séjour dans l’espace.

Décollage en navette, arrimage à l’ISS, sortie extra-véhiculaire, reprogrammation des ordinateurs de bord, entrée dans l’atmosphère à bord d’un Soyouz… tout y passe. Et chaque geste est répété jusqu’à devenir un automatisme.

On utilise pour cela des simulateurs proches des jeux vidéos, ou encore, des maquettes grandeur nature reproduisant par exemple les modules de l'ISS.

Tous ces équipements sont répartis dans différents pays partenaires (États-Unis, Russie, Europe, Japon, Canada) : les astronautes en devenir voyagent beaucoup !

A chacun sa spécialité

Chaque membre de l'équipage a une fonction bien particulière.

Aussi, chaque "élève" acquiert des savoirs spécifiques. Certains se qualifient pour être ingénieur de bord sur la capsule Soyouz.

D’autres se spécialisent dans les sorties extravéhiculaires ou la manipulation de bras robotiques qui permet l’assemblage ou la maintenance d’éléments de la station spatiale.

Il y en a même qui reçoivent une formation médicale comparable à celle d’une infirmière anesthésiste.

Bref, c’est quasiment un deuxième métier qu’il faut apprendre avant de prétendre aux étoiles.

Et des "anomalies" sont simulées pour observer le comportement des candidats.

Ceci permet d'évaluer les capacités de chacun face aux situations "imprévues".

Des heures au fond de la piscine

Les astronautes chargés des sorties extra-véhiculaires ont un régime bien particulier : le barbotage.

Pour être au plus proche des conditions et des sensations obtenues en impesanteur, ils s’entraînent en effet dans de gigantesques piscines.

Parés de leur équipement complet, ils évoluent dans l’eau au milieu de reproductions des modules de l’ISS sur lesquels ils devront travailler une fois dans l’espace.

Ces exercices permettent d’acquérir les bons réflexes et ainsi d'éviter les erreurs qui peuvent être fatales comme, par exemple, oublier de s’arrimer à la navette ou la station et s’en éloigner sans retour possible…

Prêts pour une mission

Au terme de cette formation, qui aura donc durée plus de deux ans, un astronaute peut à tout instant être désigné pour un vol spatial de longue durée.

Il dispose alors de deux années supplémentaires pour maîtriser sur le bout des doigts chaque aspect de sa future mission.

Une fois dans l’espace, tout doit être réglé à la seconde près !

Les simulations sur ordinateurs sont donc ultra réalistes, intégrant jusqu’à la position du Soleil le jour de l’arrimage avec la station spatiale !

Chaque semaine compte environ 70 heures de travail.

Et le moindre rhume peut dérégler un emploi du temps de ministre… c’est d’autant plus gênant que les dizaines de personnes chargées d’encadrer les entraînements sont alors dans l’attente de votre rétablissement.

 

En savoir plus :

Astronaute, la vie après l’espace

20 ans de carrière pour quelques jours passés dans l’espace. La vie d’astronaute, c’est aussi attendre son tour ! Et préparer sa reconversion pour "l’après espace". Sans compter que d’ici le milieu du siècle, le métier d’astronaute aura sans doute beaucoup évolué.

 

 

Astronaute terrestre

Vingt ans de carrière pour un ou deux séjours dans l’espace.

Autrement dit, un astronaute passe le plus clair de son temps sur… Terre.

Mis à part son entraînement quotidien, de nombreuses tâches peuvent lui être attribuées.

Par exemple, doublure pour un collègue désigné pour une mission : il suit exactement la même formation et peut ainsi, en cas de pépin, le remplacer au pied levé pour partir dans l'espace.

Autre tâche possible : contrôleur de vol, dont le travail consiste à être le relais entre les astronautes à bord et le personnel non navigant.

 

Enfin, quelle que soit sa mission, l’astronaute peut être consulté à tout moment pour donner des conseils sur le développement des appareils utilisés dans l’espace.

Cliquez ici pour un diaporama qui vous fera découvrir ce que peuvent devenir des astronautes retraités des étoiles ! Ici, Claudie Haigneré © ESA -
Cliquez ici pour un diaporama qui vous fera découvrir ce que peuvent devenir des astronautes retraités des étoiles ! Ici, Claudie Haigneré © ESA -

Astronaute, et après ? 

Y a-t-il une vie après l’espace ? C’est en tout cas ce qu’espèrent les agences spatiales.

Elles apprécient de bénéficier de l’expérience de ses anciens astronautes pour la participation à l'élaboration des prochains programmes, la formation des jeunes recrues ou encore le partage de leur expérience unique avec le public.

Par ailleurs, de la même façon que de nombreux métiers mènent vers l’ISS, les retraités de l’espace peuvent réintégrer de multiples carrières scientifiques ou d’ingénieur.

L’astronaute française Claudie Haigneré a ainsi été nommée deux fois ministre avant de devenir présidente de la Cité des sciences et de l’industrie et du conseil d’administration du Palais de la découverte !


Mission STS-111

Philippe Perrin, dernier astronaute sélectionné par le CNES, a effectué une mission en 2002 à bord de l'ISS, lors de laquelle il a effectué une sortie extra-véhiculaire. Actuellement pilote chez Airbus, il partage régulièrement son aventure avec le public...
Ne ratez surtout pas son film commenté ici lors d'un congrès de professeurs de physique à Toulouse en 2009 ! La mission STS-111, comme si vous y étiez ! © P. Perrin/NASA

 

Quels astronautes après 2020 ? 

Au cours de la prochaine décennie, les s’envoleront vers la station spatiale internationale (l'ISS).

Mais celle-ci ne sera probablement plus opérationnelle après 2020.

Où se rendront alors les futurs astronautes ? Sur la Lune ? Sur Mars ? Mystère.

Une chose est sûre, voguer vers la planète rouge, à plus de 56 millions de kilomètres de la Terre, n’aura rien de commun avec un séjour sur l’ISS, à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes.

On estime que le seul trajet aller prendra 180 jours, et 520 jours pour la mission complète ; alors qu'à ce jour le plus long séjour dans l’espace est de 437 jours.

Quelles qualités devront avoir alors les explorateurs de l’espace ? La question est ouverte.


Lune, le retour

Vers 2020, deux lanceurs dévaient décoller de Cap Canaveral, envoyant dans l’espace les engins qui permettront à un équipage de quatre personnes de retourner sur la Lune. Francis Rocard, astrophysicien au CNES, nous raconte ce projet, abandonné depuis la déclaration du Président des Etats-Unis début février 2010, à l'aide d'images spectaculaires. © CNRS/INSU, CNES

En savoir plus :

  • "Robonautes ou astronautes" : un débat entre Francis Rocard, astrophysicien au CNES et Michel Tognini, astronaute et chef du centre d'entraînement des astronautes à Cologne. Réalisation Cité de l'espace pour le site Universcience TV (semaine du 5 au 12 février 2010)