13 Décembre 2010

Pléiades dévoile ses cartes

Prévu pour un lancement fin 2011, le satellite Pléiades  prendra des images de la Terre permettant d’observer des détails de 70cm seulement !

Les cartes : des tablettes d'argile aux satellites

Photographier la Terre depuis leespace est l'un des moyens d’obtenir des cartes de toutes sortes : topographiques, hydrologique, environnementales, …

L'homo carticus

Aujourd’hui comme hier, les cartes géographiques sont indispensables.

Des tablettes d’argile, vieilles de plus de 4 500 ans, découvertes notamment en Irak, montrent qu’à cette époque on cherchait déjà à situer l’emplacement des montagnes et des rivières, à tracer des routes commerciales sur des cartes simplifiées.

Pendant longtemps, ce sont les voyageurs et les marins qui ont rapporté de leurs périples les informations nécessaires au dessin des cartes, avec toute l’imprécision qui allait avec.

À partir du XVIe siècle, adieu les navigateurs. Ce sont à nouveau des mathématiciens et des astronomes qui jouent aux cartes.

Allô charlie-tango

A la fin du XIXè sicècle, l’essor de l’aéronautique a permis aux cartographes de "prendre de la hauteur". Aujourd’hui, des avions construits spécialement pour des missions de cartographie possèdent une trappe dans le plancher, d’où sont prises les photographies.

En France, ce sont les avions de l'Institut géographique national (l'IGN) qui ont pour charge de "couvrir" tout le pays.

À partir des années soixante-dix, les satellites ont complété le travail des avions.

Leur avantage : tels des hiboux perchés dans l’espace, ils ont un large champ de vision.

En un clin d’œil, ils peuvent photographier une région de 60 km par 60 km ! Les avions, eux, se limitent à quelques kilomètres - mais ils sont plus précis.

Spot et Helios

Actuellement, il existe quatre satellites français prenant des photographies de la Terre dans l’objectif de l’observer avec l’œil du cartographe : Spot 4 et 5, Helios 1 et 2. Ils ont des missions différentes. Spot 4 et 5 photographient pour le secteur civil, tandis qu'Helios 1 et 2 sont des longues-vues militaires.

Tout en restant à plus de 800 km de la Terre, les satellites Spot peuvent voir des détails d’environ 10 m pour Spot 4 et 2,50 m pour Spot 5.

Avec ce dernier, on peut donc distinguer des voitures ! Une précision suffisante pour représenter une grande partie du globe, mais insuffisante pour voir distinctement certains détails.

Dans ce cas, ce sont des avions qui font la prise de vue et non des satellites…

Tout est affaire de choix : selon les situations, mieux vaut privilégier la rapidité, la précision ou l’économie.

De l’image à la carte : le projet Corine Land Cover

Pour les cartes, les photographies satellitaires ne sont souvent que le début de l’histoire...

Exemple avec le projet Corine Land Cover qui a permis de tracer une carte de l’Europe où apparaissent différentes zones : forêts, villes, aéroports, décharges, champs, carrières, etc.

Au départ, les géographes récupèrent les images des satellites où l'eau apparaît en bleu ou en noir, les végétaux en rouge, et les zones urbanisées et minérales en gris bleu.

Ils vérifient la nature des terrains en comparant les images satellitaires avec des photos aériennes ou des cartes topographiques.

Ensuite, ils dessinent à la main les contours de ces différentes zones. Un vrai travail de titan !

Ces cartes sont mises  à jour régulièrement, notamment grâce aux images venant des satellites Spot. Elle servent aux géographes dans de nombreux domaines, par exemple à surveiller la croissance des villes ou à évaluer l’impact d’une tempête sur les forêts.

 

 

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Pléiades : les aigles de l'espace

Sur les images des satellites Pléiades, on verra des détails de 70 cm ! De quoi transformer les deux nouveaus satellites d'observation en héros des futures cartes.

Une vue perçante

Les deux satellites jumeaux Pléiades, qui tirent leur nom d'une constellation astronomique, sont les successeurs des satellites Spot.

Mais leur vue sera quatre fois plus perçante : à chaque prise de vue, ils verront des détails de 70 cm.

Sur leurs images, on pourra distinguer des voitures, des bus, des velux, des arbres ..

Actuellement, seuls les satellites américains ont des résolutions comparables : Quickbird atteint 60 cm de précision, Worldview et Goeyes 50cm,...

Précision, réactivité et capacité d'acquisition sont les trois atouts qui caractérisent les satellites Pléiades.

Les gymnastes de l'espace

Les Pléiades sont capables de pirouettes leur permettant d’imager, en un temps record, plusieurs zones du même territoire.

Par exemple, lors d'un survol de la France l’un des satellites pourra, en basculant autour de son axe, prendre en image Paris, puis pointer en moins d’une minute son téléobjectif vers Lyon.

Grâce à des sortes de toupies appelées actionneurs gyroscopiques, les satellites basculeront de 60° en moins de 25 secondes !

Pas vraiment de quoi donner le tournis, mais une vraie prouesse pour des satellites. Lors de catastrophes majeures comme, en 2010, le séisme haïtien ou la marée noire dans le golfe du Mexique , cette rapidité facilitera la cartographie des dégâts et l'accès aux victimes pour l’organisation des secours.


Les satellites Pléiades sont capables de se retourner très rapidement, ce qui leur permet de passer d'une zone géographique à une autre © CNES

La 3D vue du ciel

Il n’y a pas que les films qui sont en 3D aujourd’hui, les images satellites aussi !

Pour y parvenir, le satellite prend une image de la zone observée une première fois, puis une seconde fois après avoir avancé de  plusieurs dizaines de kilomètres sur son orbite.

Au sol, les ingénieurs disposent alors de deux clichés d’un même site, mais pris sous deux angles différents. De même que notre cerveau reconstitue le relief à partir de deux images (captées par l’œil droit et le gauche), ces ingénieurs reconstruisent une image en trois dimensions, montrant les vallées et les crêtes.

Les images 3D sont utiles lorsqu’aucune donnée d’élévation de terrain n’est disponible, ce qui est encore le cas dans de nombreux pays, en Afrique ou dans certaines régions désertiques asiatiques.

Leurs utilisations ? Les transports, ou encore, les télécommunications, notamment pour décider des sites d’installation d’antennes, car celles-ci doivent être placées sur des sommets.


Survol 3D réalisé grâce aux images satellites Ikonos. Ici le parc des Virunga, en République démocratique du Congo, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. © 2010 GeoEye & Satellite Imaging Corporation

La télédétection, quèsaco ?

Mais au fait, comment s’opère la prise de vue depuis un satellite, autrement dit la télédétection ?

Au départ était le Soleil… Il envoie ses rayons sur la Terre et les objets situés à sa surface.

Ces objets sont en partie traversés par le rayonnement solaire, en absorbent une partie et réfléchissent la dernière partie. Ce sont ces rayons réfléchis que captent les satellites.

Et là, bingo, ces rayonnements fournissent tout un tas d’informations. Formes, couleurs et positions des objets les uns par rapport aux autres, sont obtenues grâce à une analyse des rayons réfléchis dans le domaine visible (comme le ferait l’œil humain).

Une analyse dans le proche infrarouge, telle qu’en réfléchit la végétation, informe en complément sur la nature et l’état des objets observés.

Par exemple, un champ de blé ne réfléchit pas la lumière comme un champ de colza… Encore mieux : un champ de colza en début de pousse ne réfléchit pas la lumière comme il le fait au moment de la maturation, juste avant la récolte !

Et tout cela est enregistré par les satellites Pléiades à plus de 650 km de la Terre.

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Les desseins des images

Prévu fin 2011, puis 9 à 15 mois plus tard pour le 2ème de la série, le lancement des deux satellites Pléiades est très attendu car leurs images apporteront de précieuses informations sur l’état de l’environnement.

La mise en orbite

Les satellites Pléiades attendent patiemment la fin de la construction en Guyane du pas de tir de leur lanceur, qui sera une fusée Soyouz.

Une fois le premier satellite mis en orbite, son jumeau le rejoindra neuf à quinze mois plus tard.

Les Pléiades suivront une orbite héliosynchrone, c’est-à-dire que le satellite passera toujours au-dessus d’une scène à imager vers 10h30 heure locale.

Ainsi, d’un survol à l’autre, ils prendront en image un territoire bénéficiant approximativement des mêmes conditions d’éclairement. C’est utile pour comparer facilement les données !

Le système sera géré par l’opérateur Spot Image  qui commercialisera ces images et les mettra à disposition de certains utilisateurs français (éducation, recherche, collectivités territoriales,…).

 

Cartographie, risque et sécurité

Une fois en orbite, les Pléiades auront du travail.

Une chose est sûre : ils serviront à prendre en image l’ensemble des départements français afin de mettre régulièrement à jour les cartes qui existent déjà.

Un nouveau bâtiment, un cours de rivière déplacé, une route condamnée, autant d’informations qu’il faut intégrer dans les nouvelles cartes et qui seront visibles sur les images grâce à la très bonne résolution des Pléiades.

Voilà pour le côté traditionnel de la cartographie.

Côté risque, ils serviront notamment aux pompiers pour identifier les zones à débroussailler afin d’éviter les feux de forêt. Côté protection civile et sécurité de la population, les Pléiades pourront par exemple délivrer une seule et même carte à l’ensemble des responsables locaux (police, pompiers, protection civile, …).

 

Protéger l'environnement

Les Pléiades pourront également répondre à des besoins spécifiques, en particulier pour la protection de l’environnement.

À Arcachon par exemple, les images des satellites et leur extrême précision permettront de dessiner les parcs à huitres, en identifiant les tables d’élevage où se fixent les crustacés.

Les différentes bandes spectrales des Pléiades permettront de réaliser une carte des différentes herbes aquatiques de la zone, un genre d’herbier très utile pour entreprendre une conservation de la diversité marine.

Ils permettront de vérifier que les bonnes pratiques environnementales sont respectées. Par exemple, la réglementation européenne sur les nitrates impose aux agriculteurs de ne pas laisser les sols "nus" durant l’hiver.

Les Pléiades pourront aisément faire la distinction entre sol nu et champ couvert, et assurer ainsi une surveillance assidue. 

Les ondes passe-muraille

Dans le ciel, un seul obstacle bouchera la vue perçante des Pléiades : la nébulosité. En cas de mauvaises conditions météorologiques, la France pourra bénéficier des services de quatre satellites radars COSMO-SkyMed italiens, déjà en orbite.

En effet, les satellites radars ne fonctionnent pas comme les satellites Pléiades : ils envoient vers la surface terrestre des ondes capables de traverser les gouttes d’eau sans atténuation.

Le retour de ces ondes informe lui aussi sur l’état géographique : un village plongé dans un brouillard écossais apparaît aussi net au radar que par beau temps !

En revanche les images fournies, uniquement en noir et blanc, sont plus difficiles à interpréter. Des phénomènes parasites compliquent encore la tâche.

En échange des images venant de COSMO-SkyMed, l’Italie pourra coller son œil à l’oculaire des Pléiades. Et se prendre à son tour pour un magicien des cartes… 

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