25 Avril 2011

ISS : elle va encore tourner longtemps

La vie de la station spatiale internationale sera prolongée d’au moins quatre ans, de quoi faire de nouvelles recherches scientifiques !

Prolonger l'ISS, pour faire quoi ?

Nous sommes en 2016. Après dix-huit ans de bons et loyaux services, la Station spatiale internationale (ISS) va être désorbitée. C’est tout un pan de l’histoire qui disparaît. Mais rangez vos mouchoirs, finalement, ce scénario n'aura pas lieu avant 2020 et peut-être même 2028 ! En 2010, il a été décidé de prolonger la vie de l’ISS. À quoi ça va servir ?

Un laboratoire unique au monde

L'ISS, c'est avant tout un laboratoire scientifique unique où sont menées des expériences qui ne pourraient pas se faire sur Terre.

Par exemple, les scientifiques y étudient l'impact de l'impesanteur sur le corps humain ou sur des cellules cultivées in vitro.

Des physiciens tentent d’y créer de nouveaux matériaux en profitant de l’incroyable comportement des fluides et des matériaux dans l’espace.

Quant aux appareils sophistiqués installés dans l’ISS, ils devraient permettre de préciser la mesure du temps ou de détecter les particules émises lors de la création de l'univers… autant de découvertes difficiles à faire sur le plancher des vaches.

Un laboratoire pour tous

Cette infrastructure unique, autant en faire profiter tout le monde... ou presque.

Depuis ses débuts, les scientifiques de 55 nations différentes ont pu y mener leurs expériences.

Parmi eux, des médecins, des physiciens, des biologistes... et bientôt des spécialistes du climat.

L'Agence spatiale européenne (ESA) a en effet décidé d'ouvrir l'ISS à de nouvelles disciplines et de faire de son module scientifique, le laboratoire européen Colombus, un poste d'observation pour l'étude du changement climatique.

En couvrant l'ensemble des zones tropicales et tempérées de notre planète, l'orbite de l'ISS constitue, c'est certain, un observatoire de choix.

L'espace pour demeure

Finalement, tous les appareils scientifiques installés sur l'ISS ne pourraient-ils pas fonctionner tout seuls ou du moins être manipulés à distance, voire par des robots autonomes ?

Pour une partie d'entre eux, la réponse est oui. En ce qui concerne l'observation du climat par exemple, les mesures qui seront faites sur l'ISS seront certes assez identiques à celles réalisées par des satellites.

Mais l'avantage de l'ISS est justement que des humains sont sur place. Ils peuvent modifier les expériences, les moduler en fonction des évènements ou encore réparer une partie défectueuse de l'instrument de mesure.

Un satellite, une fois lancé, c'est fini : on ne peut plus modifier sa mission...

Vers l'infini...et au-delà !

Avec des humains en permanence à bord, l’ISS permet de préparer les vols spatiaux habités de demain : un retour sur la Lune, une expédition vers Mars... et au-delà !

À de telles distances, rien ne se fait à la légère. Il faut préparer les spationautes, étudier les effets de l'impesanteur sur l'homme, tester des matériaux capables de résister aux conditions extrêmes qui sévissent dans l'espace.

Sans l'ISS, tout cela serait difficilement possible.

Et puis, dans l'optique d'une exploration prochaine de Mars, une station d'assemblage située en orbite basse, comme c'est le cas de l'ISS, pourrait être utile. Bref, la vocation de l'ISS, c'est aussi de préparer une exploration spatiale interplanétaire.

 

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Quelles conséquences ?

Prolonger la vie de l’ISS n’est pas sans conséquence : il faut tout d’abord trouver des financements, continuer à approvisionner l'ISS, modifier les programmes prévus jusqu’en 2016 et s’assurer que la station est bien en mesure de fonctionner aussi longtemps…

L'espace bientôt privatisé ?

L'information n'a échappé à personne : c'est la crise ! En ces temps de rigueur, les budgets des agences spatiales ne font pas exception à la règle.

Du coup, celles-ci rivalisent d'ingéniosité pour limiter les coûts de l'ISS. Du côté des Américains, la NASA a conclu avec deux entreprises américaines : Space X et Orbital Sciences, un partenariat visant à approvisionner l'ISS en matériel et nourriture via des vols privés.

Quant aux Russes, ils ont inventé le tourisme spatial. Entre 2001 et 2009, sept touristes ont séjourné à bord de l'ISS. Depuis, la place a manqué dans les navettes Soyouz pour les faire voyager, mais ils devraient être de retour dès 2013.

Prix du billet : plus de 20 millions d'euros pour 10 jours !

Des navettes en voie de disparition

Après l'accident de la navette Columbia le 1er février 2003, et la mort des sept astronautes qui étaient à bord, les Américains ont décidé de mettre progressivement à la retraite leurs navettes.

Discovery, Endeavour et Atlantis effectuent leurs derniers vols cette année.

Conséquence : les prochains astronautes à destination de l'ISS voyageront exclusivement à bord des vaisseaux russes Soyouz.

Le matériel, en revanche, atteint la station grâce à des cargos automatiques lancés par différents pays.

Les Japonais ont arrimé à l'ISS leur cargo Kounotori le 27 janvier 2011, les Russes le cargo Progress le 30 janvier et les Européens leur cargo Johannes Kepler (ou ATV-2) le 24 février, lancé quelques jours plus tôt grâce à la fusée Ariane. 

Des programmes scientifiques recalibrés

Printemps 2010, un vent de panique souffle sur le CERN (Organisation européen pour la recherche nucléaire).

Alors que l'AMS (Alpha Magnetic Spectrometer), le premier détecteur de particules destiné à opérer de l'espace, est prêt à s'envoler pour l'ISS, la prolongation de la station remet tout en cause.

Pour capturer les particules, l'AMS était équipé d'un aimant superpuissant mais capable de ne fonctionner que deux ans. Quand les physiciens du CERN apprennent que la vie de l'ISS est prolongée, ils veulent que la rallonge profite aussi à leur détecteur : il est démonté dans l'urgence afin de remplacer son aimant par un autre, moins puissant mais permanent.

Ouf, cette fois, la bête est prête ! Elle s'envolera en avril 2011 avec l'avant-dernière navette américaine. Grâce à elle, les physiciens espèrent percer les secrets de la matière noire, invisible, qui constitue 90% de la masse de l’Univers.

L'ISS a-t-elle une date de péremption ?

En 2004, le président américain George Bush évoque la fin de l'ISS pour 2016, afin de concentrer les ressources financières de la Nasa sur le programme Constellation.

Depuis, Barack Obama, son successeur, a fait volte-face. Cela est-il sans risque ?

En effet, certains modules de l’ISS sont dans l'espace depuis treize ans alors que leur durée d'utilisation théorique est prévue pour quinze ans.

Mais c'est un peu comme la garantie d'un appareil électrique, il peut encore fonctionner longtemps après la fin de la garantie, et surtout personne n'est capable de prédire quand surviendra une éventuelle panne !

Ceux de la station spatiale russe Mir ont bien tenu quinze ans, de 1986 à 2001, alors que l’aventure ne devait durer que… cinq ans.

 

Un symbole de paix

Aux yeux de certains, les avancées scientifiques ou l’exploration spatiale ne justifient pas la prolongation de vie de l’ISS. Mais quels que soient les avis, il y a un rôle qu’on ne peut lui enlever : celui de passerelle vers la paix. 

L'héritage de la guerre froide

Dans les années quatre-vingts, la guerre froide bat encore son plein et la conquête spatiale fait l'objet d'une course acharnée entre Soviétiques et Américains.

Les premiers ont envoyé l’homme dans l'espace, les seconds ont marché sur la Lune.

Les Russes semblent avoir une longueur d'avance lorsqu'ils mettent en orbite leur station spatiale Mir, en février 1986.

Quelques années auparavant, le président américain Ronald Reagan avait lui aussi émis l'idée d'une station spatiale américaine mais sa construction ne débute finalement qu'en… 1998.

Et cette station spatiale est finalement internationale car, entre temps, le contexte politique a changé : l'URSS s'est effondrée et les Américains font le choix de la coopération internationale.

Une copropriété internationale

L'ISS, c'est un peu comme un immeuble en copropriété, une copropriété divisée en deux segments :

  • le premier entièrement russe
  • et le second partagé entre les États-Unis, le Japon, le Canada et onze pays européens membres de l'ESA.

L'utilisation de ce second segment et la composition des équipages dépendent de l'investissement réalisé par chaque pays.

Ainsi, la NASA dispose de 76,6 % des droits d'utilisation, l'agence japonaise de 12,8 % et l'agence canadienne de 2,3 %. L'ESA en détient 8,3 %, ce qui lui permet d'envoyer un astronaute environ 3 à 4 mois par an.

Néanmoins, chacun des pays membres peut faire du ‘’troc’’. Ainsi, l'ESA alloue la moitié du volume utile de son laboratoire Colombus aux Américains, en échange de services logistiques. 

 

Cliquer pour découvrir l'assemblage de l'ISS grâce à une animation © CNES

115 milliards de dollars et 13 ans de travaux plus tard

Depuis la mise en orbite des premiers éléments de l'ISS en 1998, treize années se sont écoulées.

Treize ans de travaux pour mettre sur pied un mastodonte mesurant l'équivalent de la surface d'un terrain de football et pesant près de 400 tonnes.

Une quarantaine de missions spatiales ont été nécessaires pour assembler de nouveaux modules à l'ISS, à la manière d'un gigantesque jeu de Lego.

La fin du chantier est prévue cette année pour les Américains et les Européens, tandis que les Russes prévoient d'acheminer leurs derniers modules d'ici 2012 ou 2013.

Au total, l'ISS aura coûté plus de 115 milliards de dollars. 

 

Et maintenant place aux scientifiques

Compte tenu à la fois de l’important investissement et du potentiel de recherche unique que représente l’ISS, les spécialistes ont soutenu l’idée de prolonger la vie de la station.

Ne l'utiliser à plein régime que pendant quatre ans après la fin de sa construction, c’eut été du gâchis…

Et puis quoi qu'on en dise, l'ISS restera le symbole d'une coopération unique entre les pays, une coopération pacifique aux enjeux technologiques immenses.

Et ça, ça n'a pas de prix... Alors ? À quand le prix Nobel de la paix pour l'ISS ?

 

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