28 Novembre 2011

Herschel, un télescope révèle l'univers invisible

Le télescope Herschel ouvre une nouvelle fenêtre d'observation sur l'univers. Il s’attaque aux mystères de la naissance des étoiles et de l’évolution de la vie des galaxies.

Herschel : le télescope qui a vu naître les étoiles

Les étoiles naissent dans l’obscurité. Herschel a assisté pour la première fois à l’événement.

Là où naissent les étoiles

Quizz. C’est l’événement à l’origine de tous les autres… celui grâce auquel le cosmos n’est pas que ténèbres…

Toujours pas de réponse ? C’est la naissance des étoiles.

Jusqu'à récemment, les astronomes ignoraient tout du scénario de cette naissance. Et pour cause : si les étoiles vivent en pleine lumière, elles se forment au cœur d’impénétrables nuages de gaz et de poussière, d’où aucune lumière ne filtre.

Il suffit pour s’en convaincre de lever les yeux vers le ciel nocturne et d’observer ces trouées noires sur la Voie lactée : ce sont les traces "invisibles" des régions obscures où naissent les étoiles.

Mais depuis deux ans, grâce à Herschel, le plus grand télescope spatial jamais conçu, la donne a changé. Avec son miroir de 3,5 mètres de diamètre et sa vision infrarouge, cet incroyable observatoire volant est parvenu à percer le mystère des pouponnières stellaires.

Herschel perce le brouillard

Le secret de ce colosse de 7,5 mètres de hauteur et pesant plus de 3 tonnes ?

Un système de vision unique lui permettant d’observer le cosmos dans l’infrarouge et le submillimétrique.

Car si notre œil perçoit la lumière dite visible, cette dernière n’est qu’un minuscule échantillon de toute la lumière émise par les phénomènes célestes.

Or, si les nuages de poussière au sein desquels se forment les étoiles absorbent toute la lumière visible, à l’inverse, ils se laissent sans peine traverser par la lumière infrarouge.

Celle-là même que l’œil d’Herschel perçoit comme personne.

De quoi recueillir une mine d’informations en provenance directe du cœur des nuages, au sein de la Voie lactée, où se condensent les embryons d’étoiles. 

 


Qu'est-ce que la lumière infrarouge ? par CEA-tv

Etoiles : une mise au monde supersonique

Les étoiles naissent lorsqu’un nuage de gaz et de poussière s’effondre sur lui-même.

Avant Herschel, les spécialistes pensaient que cet évènement n’était que chaos.

D’où leur surprise de constater que ces nuages, en réalité, sont composés d’un réseau entremêlé de filaments de matière dont la largeur - 0,3 année-lumière - est toujours la même.

Et c’est justement au sein de ces filaments que se trouvent les chapelets de bébés étoiles.

Pour comprendre cette observation, les astrophysiciens ont réalisé des simulations de l’effondrement d’un nuage de gaz et de poussière. Résultat : plus les tourbillons qui s’y forment sont grands, plus ils se déplacent rapidement.

Ceux dont la taille avoisine 0,3 année-lumière se déplacent à la vitesse du son. Cela produit un bang supersonique qui comprime la poussière en longs filaments de… 0,3 année-lumière.

Ces filaments deviennent des zones denses où la matière s’effondre sur elle-même pour donner naissance aux étoiles.

Observation des plus vieilles galaxies connues

Herschel dévoile l’origine des étoiles dans notre galaxie, la Voie lactée, mais également dans l’univers lointain, au sein d’autres galaxies que la nôtre.

Il a observé des galaxies parmi les plus lointaines, autrement dit les plus anciennes, que compte l’univers.

Galaxies trahies par une intense émission infrarouge liée à leur prodigieuse production d’étoiles.

Et là encore, les astronomes n’en sont pas revenus. A cette époque reculée, environ 4 à 5 milliards d’années après le big bang (l’univers a aujourd’hui 13 milliards d’années), les astronomes s’attendaient à ne débusquer qu’un très petit nombre de galaxies, or c’est l’inverse qui s’est produit !

Preuve que les galaxies se sont formées plus rapidement que prévu dans l’univers primitif. De quoi obliger les théoriciens à totalement repenser le scénario de leur apparition !

En savoir plus :

 

Un satellite pour révéler la chimie de l'Univers

L’univers est un immense réacteur chimique. Herschel l’observe sans pareil.

Herschel, un laboratoire ultra froid

Télescope géant, Herschel est également un laboratoire doté de trois instruments, HIFI, PACS et SPIRE.

Ils réalisent des images époustouflantes d’étoiles et de galaxies, mais étudient également en détail la chimie du cosmos. En effet, cette chimie se révèle à travers la lumière infrarouge émise par les molécules qui peuplent le cosmos, point fort d’Herschel.

Néanmoins, pour la capter, il aura d’abord fallu protéger l’imposant satellite de lui-même. Plus précisément de sa propre lumière infrarouge - source d’une importante pollution lumineuse - qu’il émet comme tout morceau de matière, du fait de sa température.

Ainsi, 2 300 litres d’hélium liquide ont été expédiés dans l’espace, afin de refroidir les instruments d’Herschel à des températures comprises entre - 190 et - 273,15 °C !

Faisant d’Herschel le plus imposant satellite cryogénique jamais mis en orbite.

 


Mission Herschel par

Révélations sur l'origine des océans terrestres

En 2010, la comète 103P/Hartley 2 est passée au plus près de la Terre.

L’occasion pour Herschel de scruter les propriétés de l’eau qu’elle contient.

Et là, surprise : les scientifiques ont observé que sa proportion en deutérium (un élément chimique) par rapport à sa quantité d’hydrogène était la même que celui de l’eau des océans de la Terre.

Les spécialistes savent depuis longtemps que l’eau terrestre est d’origine extraterrestre.

Mais jusqu’à maintenant, ils pensaient qu’elle était essentiellement originaire de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter.

Cette nouvelle observation indique qu'il est possible qu’elle provienne d’encore plus loin. Plus précisément de la ceinture de Kuiper, une vaste zone riche en glace où naissent les comètes, au-delà de l’orbite de Neptune.

Le mystère de l'eau de Saturne résolu

Depuis quinze ans, le mystère taraudait les planétologues : d’où vient l’eau présente dans la haute atmosphère de Saturne ?

Tout récemment, Herschel a apporté la réponse en braquant ses détecteurs en direction d’Encelade, un satellite naturel de Saturne.

C’est également l’une des nombreuses lunes du "seigneur des anneaux".

Depuis 2005, on sait que le pôle sud d’Encelade abrite de puissants geysers qui crachent 250 kilogrammes d’eau par seconde.

Or Herschel a montré que cette eau s’accumule sous la forme d’un vaste nuage diffus qui dessine une sorte d’anneau de vapeur entourant Saturne.

Lentement, mais sûrement, un peu de cette vapeur finit par retomber sur la planète géante.

De ce fait, Encelade devient le premier satellite à influencer la composition de son astre parent !

Les molécules de la vie en ligne de mire

Véritable petit chimiste de l’espace, Herschel ambitionne d’analyser en détail les conditions de formation des molécules complexes qui remplissent l’espace interstellaire, autrement dit, les zones sans étoiles au sein des galaxies.

En seulement quelques heures d’observation début 2010, le télescope spatial a détecté de nombreuses espèces chimiques dans la nébuleuse d’Orion.

Un résultat d’autant plus encourageant que l’on s’attend également à y découvrir des molécules organiques, dont certaines pourraient être des précurseurs de la vie.

Ironie du sort, le télescope spatial a également montré que la formation d’eau dans l’univers pourrait nécessiter le "bombardement" de nuages de gaz par le rayonnement ultraviolet des étoiles.

Cette molécule essentielle à la vie ne devrait alors son existence qu’aux U.V., pourtant si dangereux pour la vie terrestre !

En savoir plus :

 

Télescope en orbite : dangers et promesses

L’espace, une « terre » de tous les dangers. Mais un lieu magique pour observer le ciel.

De la nécessité d'aller dans l'espace

A priori, il peut paraître absurde d’envoyer un télescope dans l’espace, à plus d’un million de kilomètres de la Terre, quand il suffirait par exemple de le construire au sommet d’une montagne.

Sauf que dans le cas d’Herschel, c’était la seule solution possible. Tout simplement car l’infrarouge lointain, gamme de lumière dans laquelle l’instrument observe l’univers, est littéralement absorbé par l’atmosphère terrestre.

Ainsi, au sol, même sur les sommets les plus élevés, Herschel serait tout bonnement aveugle, incapable de réaliser la moindre image.

Les dangers de l'espace

Dépourvu d’atmosphère, l’espace est un paradis pour l’observation astronomique, mais c’est aussi un environnement extrême où le danger guette à chaque instant.

Par exemple, le 14 mai 2009, un boîtier électronique de l’instrument HIFI a été frappé de plein fouet par une particule cosmique hyper énergétique.

Résultat : un programme informatique indispensable au bon fonctionnement de l’appareil instantanément grillé et, Herschel à peine mis en œuvre, un de ses trois instruments en carafe.

Heureusement pour les scientifiques, les circuits endommagés existaient en double. Ce qui a permis aux ingénieurs en charge de l’exploitation du satellite de le réparer à distance. Et de sauver la mission !

Deux satellites pour le prix d'un

Lorsque Herschel a quitté la Terre à bord d’Ariane, il était accompagné d’un autre télescope capable de sonder le domaine micro-onde, à la limite de l’infrarouge lointain, Planck.

Pourvu d’un pouvoir grossissant moindre qu’Herschel, mais capable, au cours de sa mission de trois ans, d’observer la totalité du ciel.

Son objectif : cartographier avec une précision inégalée la lumière la plus vieille que l’on puisse observer, appelée fond diffus cosmologique.

Elle a été émise par la totalité du cosmos, 380 000 ans après le big bang, alors que l’univers, jusqu’alors opaque, devenait transparent.

Or, encore aujourd’hui, cette lumière fossile baigne l’univers tout entier. De quoi espérer percer les plus anciens secrets du cosmos !

La moisson ne fait que commencer

Depuis deux ans qu’il orbite à 1,5 million de kilomètres au-dessus de la Terre, des nuages de gaz, de la chimie interstellaire, des galaxies naissantes… Herschel a révolutionné la connaissance de l’univers infrarouge.

Pour autant, selon les scientifiques qui profitent de ses observations, la moisson de résultats déjà engrangés n’est que le hors-d’œuvre.

Reste maintenant à constituer un catalogue précis de tous les "objets" célestes accessibles au télescope, et ce dans toutes les directions du ciel.

Quant à Planck, le fruit de ses observations devrait être présenté courant 2012.

Avec, à la clé, de probables informations sur l’origine de l’univers elle-même.